Quels sont les grands changements intervenus en douze ans, depuis votre arrivée comme secrétaire général adjoint, en 2002, puis comme secrétaire général, dès 2006?
Le service a beaucoup gagné en autonomie. Les commissions parlementaires disposent désormais d’un véritable secrétariat rattaché au secrétariat général du Grand Conseil, les notes de séances des commissions étaient rédigées par des collaborateurs de l’administration déléguée par un chef de département. Cela n’était pas toujours très sain. C’est une évolution importante pour consolider la séparation des pouvoirs.
L’indépendance du service dédié au Parlement a été voulue par la Constitution de 2003 et par la loi de 2004. Il faut se rappeler qu’il y a moins de vingt ans, les rôles de secrétaire général du Grand Conseil et de chancelier étaient tenus par la même personne. Dans certains petits cantons alémaniques, le chancelier est encore le «Stadtschreibe des Grossen Rates». Avant de devenir secrétaire générale en 1998, ma prédécesseure Marianne Brélaz portait d’ailleurs le titre de vice-chancelière. Et ce n’est qu’en 2004 que d’office rattaché à la Chancellerie, nous sommes passés sous la seule dépendance du Grand Conseil via son Bureau et son président.
Les députés élus depuis plusieurs législatures disent que « ça roule globalement mieux aujourd’hui ». Ils estiment que l’appui apporté au Grand Conseil est meilleur et plus diligent que par le passé. Les secrétaires des commissions et les autres collaborateurs du service sont plus proches d’eux et ne changent pas au gré des objets. L’accès et la disponibilité de l’information s’améliorent aussi.
Avez-vous constaté également des évolutions dans la façon de travailler?
Je remarque que les députés travaillent beaucoup au parlement. La diminution de leur nombre, passé de 200 à 180 en 1998, puis de 180 à 150 en 2007, ne s’est pas accompagnée d’une diminution des interventions parlementaires. Les objets à l’ordre du jour sont toujours nombreux.
Si je compare avec les années où j’ai siégé au Grand Conseil (entre mars 1998 et juillet 2002), je vois que la buvette est maintenant quasiment vide durant les séances.. Les majorités sont plus fragiles et les absences peuvent faire perdre des votes. Le travail législatif se fait avec davantage de précision et de professionnalisme. La différence de majorité entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif depuis les élections de 2012 peut expliquer en partie cela: on est toujours plus pointilleux pour examiner une proposition venant d’un autre bord. Mais il y a aussi une tendance générale à s’informer beaucoup et à être moins confiant vis-à-vis du pouvoir, quel qu’il soit.
Votre propre rôle s’est aussi renforcé...
Aujourd’hui, le secrétaire général a un rôle plus stratégique et institutionnel qu’auparavant. Il est nécessaire d’avoir des compétences d’analyse et de distinguer les enjeux institutionnels et politiques pour appuyer efficacement le président, le Bureau, voire des commissions du Grand Conseil dans ce contexte d’autonomie et de séparation des pouvoirs bien établie, notamment lorsqu’il y a des conflits entre les pouvoirs, situations heureusement rares..
Et vous devez aussi vous adapter à de nouveaux chefs...
Oui, «le patron» change chaque année et les personnalités peuvent être fort différentes…. Mais ce sont les présidents qui sont devant, pas moi ou mes collaborateurs. Avec le service, nous devons contribuer à conserver une continuité. Il faut faire en sorte que les citoyens, les journalistes ou les collaborateurs de l’Etat ne voient pas le changement. Le Grand Conseil doit «rouler», en plénum et en commissions, indépendamment des personnes. Les nouveaux présidents sont toujours un peu fragilisés au début. Et beaucoup plus à l’aise en fin de présidence.
Quelles évolutions sont à venir?
L’évolution sera notamment dictée par la mise à disposition, en 2016-2017, du nouveau bâtiment parlementaire actuellement en reconstruction à La Cité. Toute l’activité parlementaire sera réunie en un même lieu, doté de moyens techniques modernes. Les séances de commission n’auront plus lieu dans les locaux des départements, mais pourront se tenir sur place en accueillant, comme invités, les chefs de département. Cette différence compte symboliquement à mes yeux. Il y aura aussi un gain de cohérence et de visibilité pour le premier pouvoir.
L’ouverture vers le public compte aussi...
Le Parlement est ouvert et les débats sont retransmis sur internet (direct et différé), par La Télé aussi. Une démarche de visites et d’ouverture, intitulée « Celles et ceux qui font le canton », a été mise en place sous la présidence de Laurent Wehrli. Elle se perpétue aujourd’hui sous la présidence de Jacques Nicolet. Il s’agit d’accueillir environ une fois par mois des groupes ou associations ayant une activité dans le canton et de leur faire découvrir en direct le fonctionnement du parlement. Cette démarche, tournée vers l’extérieur, contribue à mieux faire comprendre certains enjeux et à apprivoiser notre fonctionnement.
Au moment de partir, fin décembre, aurez-vous un regret?
Les circonstances font que je pars avant que nous réaménagions à La Cité. C’est le seul léger regret que je pourrais avoir. Mais je viendrai inaugurer le parlement en tant qu’invité ce qui sera plus confortable qu’en tant qu’organisateur... Sincèrement et en toute reconnaissance, j’ai eu beaucoup de chance de vivre cette expérience-là. Avoir pu contribuer à développer un service dans un tel moment d’évolution pour l’institution parlementaire ne peut que me rendre heureux.