La RIE III est une réforme fédérale qui vise à adapter la législation fiscale suisse aux nouvelles normes internationales, tout en maintenant l’attractivité de notre pays. Cette réforme met fin aux régimes d’exception fiscale (statuts spéciaux) qui permettent une imposition avantageuse pour les entreprises établies en Suisse et dont une grande partie des bénéfices sont réalisés à l’étranger. Il en résulte un risque substantiel que nombre de ces entreprises quittent le pays, laissant derrière elles une facture sociale et des pertes fiscales élevées.
C’est pour parer à ce risque et à ses conséquences que le Conseil d’État a décidé d’anticiper et a adopté une stratégie fiscale et sociale, sous la forme d’un paquet législatif global, visant à maintenir les emplois dans le canton et à renforcer le pouvoir d’achat des ménages. Cette stratégie a été adoptée à une très large majorité au Grand Conseil en octobre dernier.
Taux unique
Au niveau fiscal, la solution retenue par les autorités vaudoises consiste à instaurer un taux unique d’imposition des bénéfices des entreprises de 13,79%, et ce dès l’entrée en vigueur de la réforme fédérale (en principe 2019). À l’avenir, les sociétés actuellement au bénéfice de statuts spéciaux paieront donc environ 40% en plus d’impôts sur le bénéfice, alors que les entreprises locales, au taux ordinaire de 21,65% en 2016, connaîtront une baisse dans une proportion similaire. Les entreprises peuvent ainsi se projeter dans l’avenir en connaissant leurs futures conditions fiscales.
Important volet social
La stratégie choisie comporte aussi un important volet social pour renforcer le pouvoir d’achat des familles. En contrepartie de la baisse de leur fiscalité, les entreprises verront leur cotisation aux allocations familiales augmenter, ce qui permettra de faire passer progressivement l’allocation pour enfant de 230 francs actuels à 300 francs et de 300 à 400 francs pour les jeunes en formation au cours de la prochaine législature. Ces augmentations situeront le canton de Vaud parmi les cantons où les allocations sont les plus élevées de Suisse.
Les entreprises vont aussi doubler progressivement leur niveau de financement pour l’accueil de jour des enfants (de 20 à 40 millions), alors que l’État ira dans le même sens en augmentant sa part de 30 millions de francs additionnels. À terme, ce sont donc plus de 50 millions de francs supplémentaires qui seront apportés à cette importante mission de service public.
Primes d'assurance maladie plafonnées
De plus, il a été décidé que le paiement des primes d’assurance maladie sera limité à 10% maximum des revenus déterminants d’un ménage. Cette mesure, inédite à l’échelle suisse, sera mise en place dès 2019 par le biais d’un nouveau subside. La déduction fiscale possible pour la prime d’assurance-maladie augmentera quant à elle de 400 francs par personne.
Enfin, un nouveau fonds sera créé pour mieux protéger la santé et la sécurité des travailleurs de la construction, qui sont particulièrement exposés aux accidents et aux maladies professionnels. La subvention cantonale prévue permettra d’apporter des compensations aux entreprises et aux salariés en cas d’aménagement du temps de travail et de congés liés aux conditions climatiques tout comme de pouvoir traiter des situations particulières de retraite anticipée.
Pour l’emploi et les familles
Ce projet engendrera une baisse des recettes estimée à environ 200 millions de francs pour le Canton et de 80 à 90 millions pour les Communes, après versement des compensations attendues de la Confédération, à ce stade de 108 millions. Ces pertes de recettes fiscales sont à relativiser: d’une part, elles paraissent inférieures aux risques budgétaires et sociaux qu’engendrerait le départ massif des sociétés à statuts spéciaux; d’autre part, ces pertes sont jugées supportables en regard des excédents budgétaires cumulés du Canton et des communes ayant régulièrement dépassé le milliard de francs ces dernières années et en regard d’une dette cantonale presque intégralement remboursée. Le gouvernement et le parlement ont aussi décidé de laisser inchangé le taux d’imposition sur le revenu des contribuables pour les années 2015-2019, ce qui contribue à la stabilité des finances publiques et évite un report de la pression fiscale des personnes morales sur les personnes physiques.
Élaborée et négociée depuis plusieurs mois par les membres du Conseil d’État avec les acteurs concernés, largement soutenue par le Parlement, la stratégie fiscale et sociale présentée dans ce numéro est le fruit d’un compromis équilibré pour l’emploi et les familles, dont l’objectif essentiel consiste à préserver la prospérité économique tout en renforçant la cohésion sociale du canton de Vaud.
Pierre-Yves Maillard,
président du Conseil d’État