Pour acheminer cet objet très particulier, trois classes d’enfantine ont pris le train de 8h à Lucens, puis gaillardement serpenté dans les rues de Moudon jusqu’au collège, où 450 élèves de 1 à 8P, c’est-à-dire entre 4 et 12 ans, les attendent. Quatre mains de petits Lucensois ne sont pas de trop pour soutenir la lourde flamme, fabriquée en un week-end par un enseignant de travaux manuels avenchois, luthier par passion. Le premier modèle, une torche officielle prêtée par un collectionneur, a dû être remplacé dans l’urgence, car les élèves avaient du mal à le manipuler.
Dans toutes les mains
La météo n’est pas clémente ce jour-là. La cérémonie a donc lieu en salle de gym. Pendant que tout ce petit monde se déchausse, la clameur monte.
Chacun pourra porter la torche, qui serpente dans les rangs de Lucens, puis dessine un colimaçon parmi les lèves de Moudon. Quand la flamme passe, les yeux brillent. Une enseignante filme ce cheminement, une prof de sport prend des photos, perchées tout en haut du cadre suédois.
Au son de «We are the champions», une jeune élève s’avance, timide et fière, au centre de la salle et dépose la flamme sur un tabouret conçu pour accueillir l’objet olympique. Tout le monde applaudit. Il y aura encore une chorégraphie. «Les Jeux olympiques, c’est le bonheur de participer!», raconte la chanson qui suit. Après cette heure de joyeuse effervescence, il est temps de retourner en classe.
Collaboration inédite
De nombreux projets ont vu le jour dans des écoles vaudoises en vue des Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ), qui débuteront dans moins d’un mois. Celui-ci a la particularité de rassembler quatre établissements scolaires primaires – Avenches, Payerne, Granges et Moudon-Lucens –, qui collaborent pour la première fois. «L’idée était de faire des projets en commun, explique Christine Amaudruz, enseignante de sport à Moudon. Nous proposons des activités pour chaque demi-cycle.»
Première des idées nées dans la séance initiale de coordination entre les quatre établissement, la «flamme broyarde» passe dans chaque école. Les 5-6 P ont pris part à un concours cantonal en six épreuves organisé par le Service de l’éducation physique et du sport. Et les enseignants organiseront en mai un «olympic day» pour les 7-8P, joutes sportives qui rassembleront près de 1000 élèves sur deux jours.
Les 1-2P et 3-4P de l’établissement de Moudon-Lucens s’affronteront quant à eux lors de mini-olympiades, avec du bob dans des caisses à roulettes, de la luge dans des sacs à patates ou du ski de fond sur de la moquette.
Les jeunes sont au cœur des motivations des enseignantes. «J’étais pleine de fierté en voyant les élèves avec la flamme. J’avais presque la larme à l’œil», raconte Valérie Zermani, doyenne à Moudon. «Quand l’hymne olympique a commencé, j’ai eu de petits frissons», complète Sophie Zysset, doyenne à Lucens, qui a aimé réunir tous les élèves en un lieu.
Toutes les déclinaisons possibles
Dans la Broye, les activités en lien avec les Jeux olympiques se sont déclinées dans toutes les classes et dans toutes les matières. En «bain informatique», Sophie Zysset a fait des recherches avec ses 8P sur les JO passés et les résultats suisses. Ses classes de 1 à 6P ont créé une médaille, qu’ils imprimeront, et qui contiendra un dessin d’eux en champion olymipique. Des stagiaires HEP en formation on préparé des dossiers de lecture sur l’histoire des Jeux et les ont partagés avec les autres enseignants.
«Avoir un thème commun, ça unifie», souligne Sophie Zysset. Le but était aussi de transmettre les valeurs olympiques – amitié, respect et excellence – aux jeunes. Elles ont été intégrées aux règles de classe en début d’année.
C’est aussi une découverte. Dans une classe d’enfantine, seuls deux élèves savaient ce qu’étaient les Jeux olympiques. Et à Moudon, où beaucoup de familles sont d’origine étrangère, les sports d’hiver ne sont pas forcément connus, relèvent les enseignantes. «Le but est qu’ils aillent peut-être voir des épreuves en famille ou s’intéressent à l’événement. Peut-être certains se découvriront une vocation sportive, ou juste l’envie de faire du sport et de bouger», espère Christine Amaudruz. Beaucoup d’enseignants ont d’ailleurs inscrit leurs classes pour assister à une épreuve des JOJ.
Dans le canton, 70'000 élèves de plus de 3000 classes vaudoises ont obtenu un sésame pour assister à l’une des compétitions, participer à un atelier culturel ou une initiation sportive sur l’un des sites des JOJ.
Des valeurs en héritage
«La flamme broyarde est exactement ce que le département attendait de la préparation des classes en vue des JOJ, explique Pierre-Alain Mellina, qui coordonne les projets scolaires en lien avec Lausanne 2020. Elle a permis d’élargir le sujet autour des valeurs olympiques, notamment d’amitié et de respect entre élèves, et de resserrer les liens entre les établissements. Cela promeut le vivre ensemble au sens large. Ça restera comme un héritage des JOJ!»
Le but du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture était que l’expérience des élèves ne se limite pas à assister à une compétition des JOJ. Mais qu’un travail de préparation soit effectué. «Dans la Broye, ils se sont appropriés le sujet, souligne Pierre-Alain Mellina. Assister à une compétition sera pour eux l’aboutissement d’un vrai projet.»
Le 7 janvier, la torche broyarde terminera son périple à Moudon lors d’une cérémonie publique réunissant toutes les directions des établissements. Deux jours plus tard, celle des JOJ prendra le relais, à Lausanne. (mm)
> Suivre le parcours de la torche broyarde
Quand des athlètes d’élite passent les tests scolaires
Ambassadeur des JOJ, le rameur Augustin Maillefer a présenté son parcours à des classes. Ici avec la flamme officielle des JOJ Lausanne 2020 lors d'une cérémonie à l'UNIL | F. Ducrest/UNIL
Dans l’idée d’amener les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ) dans le cadre scolaire, le Service de l’éducation physique et du sport a réalisé un poster appelé «aptitudes champions». Dix athlètes d’élite ont passé six tests sportifs que les élèves de la 5e à la 11e effectuent régulièrement: courir la plus grande distance en 12 minutes, sauter le plus loin possible sans élan, faire le plus de sauts à la corde en 1 minute, etc. «Le poster est intéressant pour relancer la motivation des élèves pour ces tests et ouvrir la discussion, explique Toni Pacifico, conseiller pédagogique en éducation physique et sportive et initiateur de la démarche. Le but n’est pas seulement de comparer, mais de voir la charge de de travail que ces résultats représentent pour les athlètes, ainsi que l’encadrement technique dont ils bénéficient.»
Le rameur Augustin Maillefer, 25 ans et 25 à 30 heures d’entraînement hebdomadaires, a tout de suite été partant. «J’ai trouvé cool que cela soit pour les écoles. Car tout le monde est touché.» Il a passé son test avec une classe d’Écublens. Et malgré son entraînement, l’exercice n’a pas été de tout repos. «Dès que l’on fait quelque chose à fond, c’est censé ne pas être facile!»
Le poster a été distribué aux 93 écoles vaudoises et affiché dans les salles de sport. «Cela donne un point de comparaison aux jeunes, relève le rameur. Les chiffres deviennent réels.» Pouvoir comparer ses résultats à ceux d’athlètes entraînés est à double tranchant, souligne Toni Pacifico. «Cela peut être motivant, ou les jeunes peuvent se dire qu’ils ne vont jamais y arriver. C’est à l’enseignant d’expliquer. On peut proposer par exemple un relai à deux ou trois pour courir la même distance que l’un des athlètes en 12 minutes.»
Augustin Maillefer, qui a lui-même participé à des JOJ, à Singapour en 2010, puis deux fois à des «vrais» JO, est aussi ambassadeur de Lausanne 2020. «Je trouve bien qu’on parle des JOJ dans les classes. Les jeunes sont dans une phase critique: c’est important qu’ils prennent de bonnes habitudes et fassent de l’activité physique. Ça les éveille au sujet. S’il peuvent avoir du plaisir, c’est bien pour eux!» Il a apprécié que les JOJ ne soient pas seulement axés sur la performance, mais que les valeurs soient importantes.
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