Les canards, comment les scanne-t-on ?
En un siècle, l’espérance de vie a doublé et c’est Scriptorium qui le dit. La Gazette s’est plongée dans les archives de la presse vaudoise mises à disposition par la plateforme Scriptorium pour découvrir comment elles sont numérisées. Zoom sur un passé à portée de clic.
Si Scriptorium désignait autrefois l’atelier dans lequel les moines copistes réalisaient des livres copiés manuellement avant l'introduction de l'imprimerie, c’est aujourd’hui le nom attribué à la plateforme de consultation en ligne des archives de la presse vaudoise. Mis sur pied par la Bibliothèque cantonale et universitaire - Lausanne (BCUL), l’outil est accessible au public et permet de retrouver une multitude d’informations à partir d’archives de documents numérisés. À ses débuts en 2012, Scriptorium recensait près d’un million de pages à la consultation pour près de sept millions et demie aujourd’hui, avec plus de 120 titres de presse dont principalement des journaux et des magazines vaudois. Une majeure partie de la presse régionale y est également numérisée et régulièrement complétée, à l’instar d’autres collections, telles que le Bulletin du Grand Conseil.
« Un jour, quelqu’un a voulu retrouver le nom de la cloche d’une vieille église d’un village. Eh bien, l’intéressé a pu obtenir une réponse, car l’information était cachée dans Scriptorium »
Des pépites littéraires bien conservées
Historiquement, Scriptorium a vu le jour à la suite du projet Googlos, mené en collaboration avec Google, où près de 100'000 volumes appartenant à la BCUL ont pu être numérisés et diffusés en ligne. Par ailleurs, par sa couverture temporelle et géographique, Scriptorium permet à l’usager de chiner toutes sortes de documents apparentés au canton de Vaud, de l’année en cours jusqu’en l’an… 1674. Théophile Naïto, coordinateur des bibliothèques numériques à la BCUL, se souvient d’un usager à la recherche d’une information singulière : « Un jour, quelqu’un a voulu retrouver le nom de la cloche d’une vieille église d’un village. Eh bien, l’intéressé a pu obtenir une réponse, car l’information était cachée dans Scriptorium ». Pour accéder à un document, la recherche peut être menée par titre, date ou par le biais de diverses informations.
Pour les pros et les profanes
Si Scriptorium s’avère particulièrement précieux pour tout chercheur universitaire ou journaliste en besoin d’information rare, l’outil a avant tout été conçu pour le grand public et s’adresse donc à toute personne ayant un lien avec le canton. Ainsi, pour la seule année 2021, le nombre de pages uniques consultées sur Scriptorium s’est élevé à plus de 153'000 par mois, témoignant du succès de la plateforme auprès du public. Comme l’explique Théophile Naïto : « Via Scriptorium, il est en fait aussi possible de retracer des évènements sur sa famille, sur un lieu ou sur un évènement donné. Quand cette pandémie a éclaté par exemple, l’un ou l’autre usager a fait des recherches sur la grippe espagnole pour voir comment les choses s’étaient passées à l’époque… ». L’autre avantage de Scriptorium, c’est qu’elle centralise l’information vaudoise et évite à l’usager le travail de recherche à divers endroits. En effet, puisque les documents papier sont soumis au dépôt légal depuis 1938, la BCUL a l’obligation par la loi de récolter toutes les publications réalisées dans le canton et de les conserver indéfiniment sur le site physique. De facto, rares sont les fois où un exemplaire n’est pas retraçable sur Scriptorium. M. Naïto souligne également que la plateforme bouche les « trous » lorsqu’un document n’est pas disponible : « Par la force des choses, dans l’histoire de la presse et des publications vaudoises, la BCUL n’a pas toujours pu récolter l’intégralité des collections et des journaux. Les collections numérisées sont ainsi complétées avec les collections prêtées par la bibliothèque nationale. Les communes vaudoises rendent le même service en prêtant d’éventuelles archives. Par conséquent, Scriptorium contient des collections qui sont aussi complètes que possible ». À noter toutefois que, pour chaque journal, une convention est signée par l'éditeur et la BCUL concernant le délai de disponibilité des articles en ligne.
Du papier au numérique grâce aux scanners
L’expert de Scriptorium confie que la difficulté majeure, en matière de numérisation, semble avoir été la même depuis le début, à savoir le volume de pages à numériser. Pour pallier la vitesse de parution grandissante des journaux et l’impossibilité de disposer d’infrastructures aussi complètes en son sein, la BCUL a fait appel à Assy SA, une société sous-traitante, spécialisée dans la numérisation de masse. Grâce à son tourne-page automatique, l’entreprise peut réaliser des prouesses techniques et scanner les journaux à la cadence souhaitée – le secret d’un Scriptorium bien garni. Pour les travaux ponctuels comme pour les documents fragiles, la démarche de numérisation reste assurée par la BCUL. (TJ)
Prendre les vieux canards en main, c’est possible !
Sous réserve de disponibilité, les journaux en version papier peuvent être consultés sur place, sur le site de la bibliothèque. Ces restrictions sont notamment dues à l’aspect unique et parfois fragile des écrits.
Des chiffres et des lettres
1,125 million de mètres linéaires. C’est la longueur de l’ensemble des feuilles de journaux et des documents présents dans Scriptorium s’ils étaient alignés les uns à côté des autres. Rangés, ces mêmes dossiers tiendraient sur une étagère de 405 mètres de long. Et puis, s’il fallait remplir une pièce avec, celle-ci devrait avoir un volume de 50 mètres cubes. Enfin, du côté informatique, ce ne sont pas moins de 95 térabytes utilisés pour huit milliards de mots numérisés.