4 minutes de lecturePublié le 29 janv. 2021

En 2019, à l’enseigne de l’«Opération fourmis», s’est déroulé le premier recensement de fourmis dans le canton de Vaud. Parmi les 30’000 créatures récoltées, 18 espèces ont été trouvées pour la première fois en terre vaudoise ; et une espèce a été découverte pour la première fois en Suisse. «Il s’agit de la Tapinoma pygmaeum», précise Michel Sartori, zoologiste et directeur du Musée cantonal de zoologie. 

L’Opération fourmis a montré aussi la présence préoccupante d’espèces invasives: «la Tapinoma magnum est en train de coloniser tout le bord du Léman. Elle fait beaucoup de dégâts en cherchant à éradiquer les autres fourmis, souligne le zoologiste. On a une faune qui bouge beaucoup avec le réchauffement climatique, l’intensification des échanges commerciaux.» Par exemple, les pépinières dont la terre n’est pas stérilisée sont des viviers d’espèces invasives importées en Suisse.

Les espèces à protéger

Ces espèces fragilisées ou concurrencées, la Direction générale de l’environnement (DGE) les connaît bien. En raréfiant certains milieux naturels, les activités humaines et le développement urbain mettent en danger la survie d’espèces locales. La DGE encourage la mise en œuvre de mesures pour protéger au mieux ces espèces menacées, comme lelucane cerf-volant. Cet impressionnant coléoptère peut mesurer 10 cm s’il est un mâle. Il est reconnaissable à ses longues mandibules. Son cycle de vie est lié aux vieilles souches de feuillus où ses larves mettent de trois et cinq ans pour se développer. Afin de contrer son déclin, les souches d’arbres abattus sont laissées en lisière ou dans des milieux ouverts.

La fourmi «Tapinoma magnum» est en train de coloniser tout le bord du Léman. Elle fait beaucoup de dégâts en cherchant à éradiquer les autres fourmis. | Photo: Musée cantonal de zoologie
Le lucane cerf-volant est impressionnant par sa taille, mais il est inoffensif. | Photo: Denis Rychner

«D’une manière générale, la présence de bois mort est vitale pour une incroyable mosaïque d’espèces animales et végétales, explique Denis Rychner, à la DGE. On a aussi des espèces qui sont des indicateurs précieux de la qualité d’écosystèmes. Surveiller l’état de leur présence nous informe sur l’évolution du milieu.» C’est le cas de la truite lacustre. Ce poisson emblématique de nos rivières, pouvant mesurer plus d’un mètre, est extrêmement sensible à la qualité des eaux. Il dépend, pour sa reproduction, de cours d’eau aussi proches que possible de l’état naturel. C’est une espèce cible lorsque des travaux de renaturation sont réalisés ou lorsque des passes à poissons sont aménagées. La truite lacustre est une «espèce parapluie» : si elle dispose des conditions nécessaires à son développement, d’autres espèces vont aussi s’approprier le milieu, favorable pour elles.

Des milieux menacés

Bien que des mesures soient prises pour freiner au maximum l’érosion de la biodiversité, la situation reste préoccupante. La moitié des milieux naturels et un tiers des espèces sont menacés en Suisse. «Dans ce contexte, il est important de mener, à l’échelle des cantons, un suivi des espèces aussi précis que possible pour disposer d’un tableau d’ensemble. Chaque indice de présence est une information précieuse», estime Denis Rychner.

«D’une manière générale, la présence de bois mort est vitale pour une incroyable mosaïque d’espèces animales et végétales»

Denis RychnerResponsable communication de la Direction générale de l'environnement

Le yéti à la loupe

Les animaux laissent une masse d’indices derrière eux. Une trace de patte, un poil, les restes d’un cocon sont les éléments objectifs d’un passage animal. Tant qu’il n’a pas été observé, la porte de l’imagination humaine reste grande ouverte. C’est le cas du yéti. En 2014, des scientifiques de l’Université d’Oxford et du Musée cantonal de zoologie ont examiné génétiquement des poils qui proviendraient de yétis : «Les analyses ont montré que ces poils appartenaient à des espèces connues comme des ours ou encore des chevaux. On a utilisé les outils de l’analyse classique pour répondre à des questions que les gens se posaient.» Le yéti existe-t-il vraiment? «Pour le moment, nous n’avons aucune confirmation de son existence passée ou présente. Mais l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence», note malicieusement Michel Sartori.

«Pour le moment, nous n’avons aucune confirmation de son existence passée ou présente. Mais l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence»,

Michel SartoriDirecteur du Musée de zoologie à Lausanne

La chasse au Tatzelwurm

Des témoignages de personnes ayant vu des animaux bizarres en Suisse existent pour un cas : celui du Tatzelwurm. Sorte de gros ver ou de serpent mesurant entre 30 et 50 cm (80 cm pour les plus longs !), le Tatzelwurm est doté des pattes antérieures, mais dépourvu de pattes postérieures. «Il est intéressant de savoir que des espèces de reptiles avec des membres avant, mais des pattes arrière atrophiées existent dans le bassin méditerranéen, explique le directeur du Musée cantonal de zoologie. On peut émettre l’hypothèse que ces scinques (c’est leur nom) soient remontés jusqu’en Suisse lors d’un réchauffement climatique médiéval, autour de l’an mil. Ils auraient ensuite disparu avec l’arrivée du petit âge glaciaire au début du 14e siècle.»

Terreur des jeunes filles

N’empêche, ce serpent à pattes mentionné depuis le Moyen-Âge hante les montagnes de Suisse et de Bavière. Il pourrait faire des bonds d’un mètre et effrayerait les jeunes filles. «Je suis parti chasser le Tatzelwurm avec une équipe de la RTS dans les gorges de l’Aar. Malheureusement, nous n’en avons pas vu et encore moins attrapé», regrette Michel Sartori. L’imagination humaine s’emballe. Dans les cas les plus spectaculaires, le Tatzelwurm est représenté comme un monstre griffu à tête de chat s’attaquant aux humains. Avec cette description d’un mélange entre le reptile et le mammifère, le ver à pattes suisse obtient vraiment son statut d’animal fabuleux.

Le dahu empaillé

Plus connu dans nos contrées que le Tatzelwurm, le dahu, animal mythique des montagnes aux pattes plus courtes d’un côté que de l’autre (pour arpenter plus agilement les dévers), a fait parler de lui par-delà les frontières helvétiques. Un spécimen rarissime, empaillé pour l’occasion, peut être admiré au Musée cantonal de zoologie. Que les amateurs de bestiaires incroyables se rassurent ! (MD)

LE BESTIAIRE DE LA CATHÉDRALE

Non loin du dahu de Rumine, une Arche de Noé fabuleuse est à voir à la cathédrale de Lausanne, qui rassemble des créatures fantastiques, dont le dragon. Sorte de gros lézard ailé, cracheur de feu dans certains cas, le dragon est la créature par excellence d’un bestiaire légendaire. Figure polarisante, il est souvent rattaché à une iconographie qui renvoie au diable. Le dragon, bête fantasmée, permet de donner un visage à l’abstrait, à ce qui n’est pas aisément représentable, comme le concept de mal dans la religion chrétienne. À l’inverse, connoté positivement, il représente l’élément naturel de l’air dans la rosace de la cathédrale.

Dragon d’eau qui se transforme en femme au contact de la terre, la viouvre figure dans bons nombre de contes et légendes. | Photo: Claude Bornand

La vouivre

Animal mythologique très présent en Suisse, la vouivre est un dragon d’eau, prédateur de moutons. Lorsqu’elle sort de l’eau, la vouivre se transforme en femme au front orné d’un diamant. Elle peut ainsi se déplacer sur la terre ferme. Lorsqu’elle va se baigner, la femme vouivre reprend sa forme de serpent au contact de l’eau. «Au lac des Chavonnes, des récits rapportent la présence d’une vouivre, souligne Alix Noble-Burnand, conteuse professionnelle attachée à la transmission de l’oralité. C’est un peu notre monstre du Loch Ness vaudois.»

Présente dans les cathédrales, la vouivre signale la présence d’un cours d’eau sur lequel est construit l’édifice religieux.

Le griffon

Chimère ailée, mi-lion, mi-aigle, le griffon réunit deux animaux qui fascinent par leur puissance et qui ont été récupérés comme symbole de pouvoir. Avec le griffon, l’iconographie chrétienne en fait un symbole très fort de force et de souveraineté du Christ dans la cathédrale de Lausanne.

Selon la légende, pour attirer une licorne une jeune fille vierge doit s’asseoir en forêt. La licorne viendra d’elle-même poser sa tête sur les genoux de la jeune fille pour s’y endormir. | Photo: Claude Bornand

La licorne

Animal mi-chèvre, mi-cheval à la robe blanche et à la queue de lion, la licorne est connue pour la longue corne torsadée ornant son front. C’est au Moyen-Âge qu’elle devient un grand symbole de pureté de l’âme et de la chair.

 

Gardienne des seuils, la sphinge observe inlassablement les visiteurs à l’entrée de la cathédrale. | Photo: Claude Bornand
le regard fou du basilic peut figer quiconque le voit. | Photo: Claude Bornand

Le basilic

Créature provenant de la mythologie grecque, le basilic est au départ un serpent venimeux au regard pétrifiant. Sa description change durant le Moyen- Âge. Le basilic devient une créature mi-coq, mi-serpent avec un dard venimeux au bout de sa queue. Quiconque croise son regard en reste statufié.

La sphinge

Également issue de l’imaginaire antique grecque, la sphinge est une créature à corps de lion, ailes d’aigle et buste de femme. Gardienne des seuils, des limites entre le dedans et le dehors, elle est douée de parole. Elle pose des énigmes à qui veut passer la frontière qu’elle garde. Malheurs à celui ou celle qui ne trouve pas la bonne réponse ! (MD)

Le bestiaire de la Cathédrale en images

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