Madame Mathys et une collaboratrice à une table de travail sur laquelle on voit une boîte de photographies et une grande photo.
Nora Mathys: "Le déménagement de l'Elysée implique d'ouvrir chaque boîte, c’est un travail de longue haleine." | Image: FA (BIC)
Métier

Responsable de collection ou l’art du multitâche

Le Musée de l’Elysée, symbole lausannois de l’histoire de la photographie, est aujourd’hui en pleine mutation en vue de son déménagement sur le site de Plateforme 10. A cette occasion, nous sommes partis à la rencontre de Nora Mathys et de son rôle clé au sein du département des collections du musée.

Nora Mathys: "Le déménagement de l'Elysée implique d'ouvrir chaque boîte, c’est un travail de longue haleine." | Image: FA (BIC)
Publié le 18 févr. 2022

Dans son cadre parfaitement bucolique dominant le lac Léman, la maison de maître édifiée dans les années 1780 abrite depuis 1985 les collections du Musée de l’Elysée. Sur place, 1,2 million de phototypes se partagent l’espace, parmi lesquels 800'000 négatifs, 200'000 diapositives, une quantité similaire de tirages et environ 1000 albums.

Les réserves du musée de l'Elysée sont maintenues à une température de 18°C pour conserver la qualité des photographies. | Image: FA (BIC)

La gestion des collections, un vaste métier

Au cœur de la bâtisse aux contours baroques, nous retrouvons Nora Mathys, responsable des collections du Musée. Arrivée à l’Elysée il y a trois ans et demi, la responsable des collections définit son métier comme un trésor de variété au quotidien. De pair avec le comité d’acquisition, Mme Mathys a usuellement la charge du choix des achats d’œuvres et des propositions de donations. Si cette tâche qu’elle identifie comme exceptionnellement riche constitue une part importante de son emploi du temps, elle chapeaute également l’administration juridique, naviguant ainsi entre contrats et droits d’auteurs. La nature chronophage de cette gestion implique un travail d’équipe. C’est pourquoi deux personnes l’accompagnent sur le plan juridique. En parallèle, la collaboratrice enseigne également la gestion de l’archivage en photographie, domaine qui n’existait pas lorsqu’elle a débuté son parcours, confie-t-elle sur un ton amusé.

Des nouveaux locaux et… des nouvelles casquettes

Avec le déménagement du Musée de l’Elysée (prochainement Photo Elysée) dans le pôle muséal Plateforme 10, la totalité du fonctionnement de l’institution est appelée au changement. Le métier de Mme Mathys ne fait pas exception et vit également un chamboulement de taille : « Avec Plateforme 10, on ne change pas seulement de lieu, mais on revoit aussi complètement notre manière de travailler ; on est amené à penser différemment, à être davantage organisé, c’est aussi une sorte de professionnalisation » souligne-t-elle.

« Avec Plateforme 10, on ne change pas seulement de lieu, mais on revoit aussi complètement notre manière de travailler ; on est amené à penser différemment, à être davantage organisé, c’est aussi une sorte de professionnalisation »

Nora MathysResponsable des collections du Musée Photo Elysée

Dans ce contexte, Nora Mathys explique qu’elle assume actuellement les consignes de gestion du climat sur le nouveau site : « L’enjeu principal lors d’un déménagement est de contrôler la température et l’humidité des lieux, la photographie étant un objet chimique qui réagit à son environnement ». Si jusqu’à présent, sur le site de l’Elysée, les réserves étaient maintenues à 18° et étaient stables, à Plateforme 10, il faudra ainsi maitriser une salle réservée aux négatifs à 6°, deux salles pour la couleur à 11°, deux salles pour le noir et blanc à 17° ainsi qu’une archive pour le papier et certains objets de photographes.

 

En parallèle, la responsable des collections supervise simultanément un projet de simplification des bases de données pour les collections. En effet, avant leur transfert à proximité de la gare de Lausanne, les collections sont amenées à être regroupées dans une seule et unique base de données, grande nouveauté pour le Musée de l’Elysée qui fonctionnait jusque-là avec plusieurs listes d’inventaires, rendant parfois le travail de recherche d’une œuvre fastidieux. Pour Nora Mathys, l’idée est avant tout de pouvoir gagner en efficacité et en temps. Sur le plan archivistique, l’historienne de formation évoque également un remaniement des pratiques : « On essaie à présent d’attaquer les fonds de collections de façon différente, à la manière d’une archive, et de trouver un équilibre entre traitement de masse et traitement unique des œuvres », se réjouit notre interlocutrice, pour qui le vaste domaine des archives constitue un terrain bien connu.

Pascale Pahud, assistante de recherche au musée, manipule des négatifs de diapositives et s’assure de leur préservation.Pascale Pahud, assistante de recherche au Musée de l'Elysée, manipule des négatifs de diapositives et s’assure de leur préservation. | Image: FA (BIC)

Deux années de rangement pour un déménagement

A ses débuts, le Musée devait créer son statut, c’est pourquoi l’accent a été mis sur les expositions plutôt que l’exploration des collections acquises. En période de déménagement, la gestion de la totalité des acquisitions représente alors un défi de taille pour Mme Mathys et son équipe. La responsable des collections nous fait ainsi part de la tâche colossale que constitue la vérification et la préparation des œuvres au déménagement : « Il nous faut d’abord tout ranger, puis ouvrir chaque boite, vérifier que chaque acquisition soit présente et retraçable via les inventaires, c’est un travail de longue haleine. » D’ailleurs, pour mener à bien une partie de cette mission de titan, le Musée de l’Elysée a notamment fermé ses collections en mai 2019. Malgré ces nombreux défis, Nora Mathys voit toutefois dans ce déménagement une aubaine pour son métier et le musée : « Ce déménagement permet de revoir la gestion dans son ensemble, d’explorer une façon différente de consigner, de ranger et de conserver les œuvres ». En effet, en sus de l’introduction de la nouvelle base de données, elle nous confie que les dépôts à Plateforme 10 seront également plus vastes. Une nouveauté qui constitue, pour elle et son équipe, une réelle révolution dans la gestion des collections, puisque celles-ci pourront enfin être stockées dans un unique et même endroit. (TJ)

BIO

D’origine bernoise, Nora Mathys a suivi des études d’histoire et de sciences politiques entre Berne et Bâle. Une thèse sur la représentation de l’amitié dans les albums privés l’emmène à Paris, où elle passera deux ans. En 2009, elle est appelée à Aarau pour diriger le projet photographique des archives de Ringier, soit sept millions de photographies allant des années 1930 à 1990. L’historienne de formation identifie cette étape comme un tremplin dans l’acquisition de ses compétences de gestion et archivistiques. Témoin de son parcours, le regard que Nora Mathys pose sur la photographie est d’ordre sociologique et historique: « Elle m’intéresse surtout dans sa fonction sociale », reconnaît-elle.

Remise des clés

Si la remise des clés de l’espace de Photo Elysée s’est déroulée en novembre dernier, les œuvres exposées arriveront quant à elles sur place dès le mois d’avril, sous réserve de l’approbation du climat. L’ouverture des portes au public est prévue en juin prochain, alors que les collections seront transférées entre septembre et décembre dans leur nouvel écrin. Côté pratique, il est prévu qu’une entreprise spécialisée dans le transport d’art soit mobilisée pour mener à bien le déménagement de l’Elysée à Plateforme 10 : « L’enjeu premier sera ici de pouvoir transférer les collections de manière à garantir leur sécurité physique, d’une part et assurer leur conservation d’autre part. Et puis évidemment, que rien ne soit perdu en cours de route », souligne Nora Mathys.

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