Matthieu Dupertuis en tenue de camouflage, dans la forêt, derrière son appareil photo à l'imposant objectif
Avec patience et persévérance, Matthieu Dupertuis, gendarme à Aubonne, immortalise la faune sauvage du Jura vaudois. Photo | ARC Sieber
Collègue passionné·e

La patience du guetteur

Matthieu Dupertuis est gendarme à Aubonne. Mais quand il quitte son uniforme, le trentenaire endosse un autre costume: la tenue de camouflage du photographe animalier. Patient, attentif, il arpente les forêts, les montagnes de son Jura vaudois. Il faut l’attendre, la rencontre avec la faune sauvage. Cette passion est devenue un chemin vers la tranquillité. Ces moments exclusifs où l’animal et l’homme se rencontrent lui offrent des instants de paix et de solitude.

Avec patience et persévérance, Matthieu Dupertuis, gendarme à Aubonne, immortalise la faune sauvage du Jura vaudois. Photo | ARC Sieber
4 minutes de lecturePublié le 12 déc. 2024

Autodidacte, Matthieu Dupertuis a commencé à capturer des scènes au gré de promenades aléatoires. Aujourd’hui, sa démarche s’est affinée. Avec une détermination qui force le respect, il passe des procédures policières au silence des forêts vaudoises, là où chaque bruit, chaque mouvement, chaque souffle de vent peut cacher une vie secrète.

Une passion tempérante

La photographie animalière, à laquelle il consacre son temps libre, est devenue pour lui un espace hors du temps. Peu à peu, son approche évolue. La photographie devient un langage, un dialogue intime avec la faune environnante. L’homme apprend l’art du camouflage, passe des heures immobiles, parfois allongé dans le froid, en attendant qu’un animal croise son champ de vision. Il découvre la «billebaude», cette technique où l’on se promène en quête de rencontres aléatoires, et l’«affût», où, tel un guetteur, il faut attendre patiemment, dans un endroit stratégique, espérant l’apparition de l’animal.

C’est une des grandes dimensions de la photographie animalière, cette lutte face au silence de la faune sauvage. Cette lutte pour capter des moments de grâce. «Par exemple pour l’hermine blanche, il faut accepter de faire plusieurs sorties en affût, couché à plat ventre pendant des heures, dans le froid, pour parfois rentrer bredouille. Allier la patience et la persévérance et revenir le lendemain. Tel est le maître mot», explique Matthieu Dupertuis.

La récompense sauvage

Un jour en sortie, après quatre heures de pistage entre le col du Marchairuz et le Molendruz, Matthieu Dupertuis aperçoit au loin le dos d’un lynx. Après quelques minutes, il en voit un deuxième passer sur sa gauche ; puis un troisième. Inespéré ! «Une émotion intense m’a saisi, un mélange d’excitation de saisir enfin le lynx et également un sentiment de soulagement après tous ces mois passés à le pister.» Les premières photographies ne sont pas très réussies tant l’émotion était forte. L’homme et les trois animaux se sont observés pendant de longues minutes, avec curiosité. La petite troupe de lynx a accepté la présence du photographe et a commencé à lui tourner autour. Les lynx sont même allés jusqu’à offrir à l’intrus un combat entre les deux mâles, pour s’attirer les faveurs de la femelle. La reconnaissance face à cette faune sauvage n’a jamais été aussi vraie qu’à ce moment, confie le photographe.

Ce moment intense et presque irréel reste gravé dans sa mémoire. Cette première rencontre avec le lynx a été pour lui un aboutissement de plusieurs années de travail et de patience.

Une conscience des actions

«J’essaie de faire de la photographie locale. Explorer la diversité naturelle de ce canton et amener les gens à porter un autre regard sur les actions des uns et l’impact qu’elles ont sur notre environnement», confie le gendarme. Il expose localement son œuvre dans un but d’échange et de contact humain, pour rendre compte de la fragilité de notre biodiversité, sans vouloir, pour le moment, développer son activité, en faire un métier, quelque chose de lucratif. «J’aimerais rester sur une démarche innocente et libre sur la photographie animalière. C’est bien que des loisirs restent des loisirs et que la pression financière et les résultats ne s’en mêlent pas», juge-t-il.

L’humilité face à la nature

Dans cet équilibre fragile entre passion et travail, entre introspection et sensibilisation, Matthieu Dupertuis trouve une forme de liberté. Il ne se contente pas de photographier les animaux ; il les observe, les étudie, les respecte. Pour lui, la photographie animalière est comme regard sur nous-mêmes. «Ce sont des moments d’introspection, qui diffèrent de notre rythme de vie, de plus en plus effréné. Avec cette activité, on se rend compte que l’être humain est peu de chose. On voit la vie se dérouler. On a le sentiment parfois de vouloir être des dieux, de vouloir tout maîtriser, alors que nous ne sommes que de passage. Avec cette activité, on ne peut que devenir humble face à la nature qui, elle, survivrait et fonctionnerait parfaitement sans nous».

Entre le Jura vaudois et les rives des lacs de la région, Matthieu Dupertuis poursuit inlassablement sa quête. Il se fond dans le paysage, devient invisible, guettant le moment parfait, celui où la nature lui offrira une image unique. (LZ)

Les images de Matthieu Dupertuis

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