Gardien de la tranquillité publique
Rugissements de moteur, accélérations intempestives, va-et-vient inutiles, crissements des pneus, pétarades: les nuisances sonores causées par les véhicules modifiés sont devenues une préoccupation majeure dans le canton. Les autorités se donnent pour mission d’identifier et sanctionner les conducteurs fautifs afin de préserver la tranquillité publique et la sécurité routière. Benjamin Borlat, chef expert au SAN, œuvre à freiner ce phénomène en collaboration avec la Police cantonale.
Sur cette problématique des véhicules bruyants, l’approche du SAN et de la Police cantonale s’est renforcée au fil des années. Avant 2021, les autorités privilégiaient une attitude préventive et informative. Cependant, face à l’accentuation du phénomène, les autorités sont passées à une approche plus répressive. En fonction du niveau de non-conformité des véhicules, les sanctions peuvent varier, allant par exemple du retrait du droit de circuler à la saisie des véhicules, au démontage et destructions des pièces inadéquates.
Le contrôle des véhicules
Le déroulement des contrôles contre les nuisances sonores démarre généralement par une interception sur la route par les services de police. Selon le lieutenant David Guisolan, chef de la section communication et relations publiques à la Police cantonale, la collaboration avec le SAN est centrale dans ce dispositif. Les policiers ciblent les véhicules en fonction du comportement des conducteurs et de leurs observations de l’intensité sonore. L’adjudant Frédéric Egli, chef de l’unité circulation de la gendarmerie, explique qu’après l’interpellation, la Police cantonale utilise par exemple des sonomètres pour mesurer le bruit émis par les véhicules. Par la suite, les agents soupçonnant une infraction acheminent le véhicule au SAN pour une inspection technique détaillée.
Dirigé par Benjamin Borlat, le service d’experts en question mobilise une équipe spécialisée pour examiner en détail les véhicules suspects. Grâce à un pont élévateur et un équipement de diagnostic électronique, les experts peuvent analyser les modifications des moteurs et autres composantes des véhicules. En respectant les protocoles officiels, le sonomètre est mis à contribution lors de ces inspections pour mesurer de façon plus rigoureuse les niveaux sonores émis. Les normes limites varient en fonction des véhicules, mais en moyenne cela se situe entre 80 et 90 décibels pour les voitures de tourisme.
Comportement routier
Très souvent, les nuisances sonores sont dues aux modifications apportées aux véhicules, mais aussi à un style de conduite inadéquat. Plusieurs de ces comportements sont spécifiquement dans le viseur des experts et gendarmes : faire tourner le moteur à vide, accélérer intempestivement, pousser le moteur à rugir de façon abrupte, pour provoquer des pétarades, etc. En réponse à cela, la Police cantonale et le SAN établissent deux volets d’action (souvent combinés car les automobilistes peuvent être fautifs dans les deux cas) : la conformité technique du véhicule (pièces mécaniques modifiées illicitement) et le comportement inadéquat des chauffeurs sur la route.
Le profil des contrevenants
Les conducteurs (plus rarement les conductrices) qui enfreignent les normes anti-bruit appartiennent souvent à une catégorie bien définie. Selon Benjamin Borlat, «la typologie des contrevenants est généralement celle de jeunes hommes de moins de 30 ans, amateur de mécanique et d’automobiles». Ces personnes investissent parfois des sommes considérables pour augmenter la puissance et le bruit de leur véhicule. Le plus souvent, à l’aide de pièces illégales et créant ainsi de fortes nuisances sonores.
Dilettantes modifications
Ces modifications sont courantes sur les véhicules récents, généralement de marques allemandes et de modèles puissants. Il s’agit souvent de voitures coûteuses, transformées pour générer plus de bruit et ainsi attirer l’attention et procurer un certain plaisir à l’utilisateur. Malgré cela, «c’est un phénomène de niche, mais ces modifications sont réalisées sur tous types de véhicules, y compris les SuperCar (voiture de sport à très haute performance)», tient à préciser l’expert du SAN.
Les représentants de la Police cantonale soulignent que ces comportements sont également le fruit d’un certain égoïsme de ces usagers de la route, qui ne mesurent pas les conséquences de leurs actes. «Le ras-le-bol des uns est généré par l’égoïsme des autres», résume l’adjudant Frédéric Egli, insistant sur l’impact croissant de ce phénomène sur la société. En conséquence, une demande citoyenne pour des actions plus concrètes a pu être constatée dans le canton. Les pouvoirs publics et la police répondent à cette demande en organisant régulièrement des opérations conjointes avec le SAN pour réprimer ces infractions.
Certes, les véhicules bruyants provoquent des nuisances et irritent les citoyens, mais il est important, selon Benjamin Borlat, de distinguer le bruit d’origine de celui généré par des modifications illégales. «Par exemple, les motos Harley-Davidson ont la réputation d’être bruyantes. Toutefois, une Harley d’origine ne l’est pas particulièrement. Simplement, elles sont très souvent équipées de silencieux de substitution, comme des motos d’autres marques, d’ailleurs. Ce sont souvent ces modifications techniques, et le comportement des pilotes, qui produisent ces bruits excessifs dont se plaignent les citoyens», souligne l’expert.
Enjeux de santé publique
Comme on peut le remarquer, la problématique des nuisances sonores n’est pas minime. En Suisse, une personne sur sept est exposée à un bruit routier excessif à son domicile le jour, et une personne sur huit la nuit, soit près d’un million de personnes. Selon la Confédération, les coûts liés au bruit généré par la circulation se sont élevés à 2,7 milliards de francs au total en 2017. En effet, les nuisances sonores sont des facteurs de risque pour la santé: stress, anxiété, troubles du sommeil, perturbation du métabolisme ou encore prédisposition aux maladies cardiovasculaires. Ces effets négatifs sont considérables et sont une des raisons principales qui ont amené le Canton à renforcer ses actions sur le terrain. Les pics de bruit sont toujours un stress pour notre organisme. Ils sont aussi facilement repérables lorsqu’ils sont nuisibles. Comme le souligne Benjamin Borlat: «Les sens de l’humain sont bien faits. Généralement, lorsque l’on est sur une terrasse et que l’on se retourne sans même le vouloir à cause d’une voiture qui passe, c’est très certainement que les limites sonores ordinaires sont dépassées.» (LZ)
Les chiffres pour 2023
Dans le cadre des contrôles liés aux nuisances provoquées par les véhicules bruyants et les comportements inadéquats, la Police cantonale et les Polices communales, en collaboration avec le SAN, ont procédé à 22 contrôles sur tout le territoire cantonal. 1163 véhicules ont été contrôlés (desquels 658 voitures, 482 motos et 23 autres) aboutissant à 336 dénonciations (263 rapports en préfectures, 53 amendes d’ordre et 20 rapports au Ministère public). Au total, 38 plaques et 35 véhicules ont été saisis.