Au premier plan, des fleurs. Au deuxièeme plan, un homme marchant dans un jardin et en arrière plan une forêt d'épicéa.
François Bonnet, jardinier-Botaniste, s'occupe six mois par année du jardin alpin de la Thomasia. Photo | ARC-Sieber
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Le temps d’une saison, François Bonnet fleurit les cimes

Pont-de-Nant, 1260 m d’altitude, au Jardin alpin La Thomasia, le plus ancien de Suisse. Ici depuis vingt ans, François Bonnet, jardinier-botaniste, sème, repique, arrose et observe les quelques 2000 plantes de montagnes venues des quatre coins du monde. Explications avec l’unique maître de ces lieux.

François Bonnet, jardinier-Botaniste, s'occupe six mois par année du jardin alpin de la Thomasia. Photo | ARC-Sieber
2 minutes de lecturePublié le 19 juin 2025

Au creux d’une vallée glaciaire, une rivière claire, une forêt d’épicéas et soudain, des taches bleu profond de gentianes. Près de 5000 m2 d’îlots rocailleux ornés de plantes alpines se succèdent comme un herbier grandeur nature. Né au 19e siècle, le site réunit aujourd’hui près de 2000 espèces venant de la chaîne du Drakensberg en Afrique australe, de la cordillère des Andes, de la région himalayenne ou encore des Rocheuses californiennes. Depuis 2003, François Bonnet, seul à la manœuvre, veille sur ce musée végétal à ciel ouvert où il vit six mois par an dans le petit chalet accolé au jardin.

Six mois d’altitude

CFC de paysagiste en poche, François Bonnet rejoint le Jardin botanique de Lausanne à l’âge de 25 ans, puis il monte au jardin alpin de la Thomasia sur lequel il veille depuis 20 ans. Chaque jour, chapeau de paille vissé sur la tête, il désherbe, rempote, répond aux visiteurs et échange des graines « avec les jardins alpins de toute l’Europe ». Son travail est rythmé par les saisons. À la fonte des neiges, notre botaniste prépare le jardin. Pour cela, il cultive ses semis dans une pépinière à ciel ouvert ; les plantules, trop menues pour supporter l’orage et la grêle, sont protégées par une vitre. Quant aux visiteurs qui l’interrogent, François répond sans hésiter : « Le meilleur moment pour venir, c’est la première quinzaine de juin. » Lorsque saxifrages, pavots alpins et edelweiss éclatent en même temps. Pourtant, son travail ne s’arrête pas là : François inspecte les allées, repère les limaces prêtes à croquer les sabots de Vénus, répare les dégâts occasionnels des renardeaux, arrose les plantes et actionne la motopompe lorsque le thermomètre flambe, ce qui arrive de plus en plus régulièrement. Ce geste permet de sauver les quelques pensionnaires venus du Caucase ou des chaînes himalayennes, moins adaptés aux canicules que les plantes des Alpes du Sud, désormais tout à fait à leur aise dans le jardin.

Un climat capricieux

En effet, lorsqu’il arrive en 2003, année caniculaire, François découvre un site bien différent de l’image que lui en avait donné son prédécesseur qui lui « décrivait un climat très humide, où l’on pouvait rester plusieurs semaines sous le brouillard ». Bien que le jardin, au pied du Muveran, reste en effet humide, les longues périodes de brumes se font de plus en plus rares, la rocaille sèche plus vite et la hiérarchie botanique s’inverse. Notre jardinier-botaniste constate que le changement climatique lui réserve une valse d’imprévus. « On observe qu’il n’y a plus une année qui ressemble à une autre. Les vieux dictons, on ne peut plus s'y fier ».

Le jardin, côté faune

Les plantes ne sont pas les seules à habiter ces lieux : la rivière qui traverse le jardin abrite chaque année des truites fario. Plus loin, une mare stagnante a été creusée il y a quelques années dans le but de créer un point d’observation de la nature. Ici, la surface de l’eau bruisse de tritons, de têtards et de larves de dytiques, spectacle que François commente avec admiration : « C’est vraiment magnifique. Ce lieu nous permet de vivre immergés dans la nature. C’est le cadeau de ce poste qui est vraiment unique, je ne pourrais pas rêver mieux ». Plus haut, des chamois traversent le versant sans toucher aux plantations, mais le botaniste surveille déjà l’arrivée des cerfs, potentiels gourmands. Au ras du sol, escargots de Bourgogne, limaces et grenouilles abondent également. Toute cette faune trouve refuge dans le jardin, profitant ainsi de cet espace biologique.

Quand la montagne enfile son manteau neigeux

À l’automne, François Bonnet prépare son jardin à l’arrivée de l’hiver. « Il faut s’assurer de protéger, pas tellement les plantes, mais plus les structures ». C’est pourquoi il vidange les conduites d’eau, sécurise les lieux, ferme le chalet pour enfin confier son jardin à la neige. Si cette dernière est assez épaisse, elle protège du gel les plantes du monde entier qu’il a acclimatées sous le Muveran. Le verdict tombera au début du printemps, lorsqu’il remontera découvrir quelles pousses auront résisté et quelles surprises la montagne lui aura réservées. (MR)

 

Regard sur le jardin alpin

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