À la chasse aux bâtiments énergivores
D’ici 2040, l’État de Vaud aura investi quelque 475 millions de francs pour assainir son parc immobilier et améliorer de 80% son efficience énergétique. Les moyens mis en œuvre sont à la hauteur de l’enjeu climatique.
Bien décidé à empoigner la question du réchauffement climatique, l’État de Vaud a lancé un plan d’assainissement énergétique de son parc immobilier. Soit 470 bâtiments chauffés – sans compter ceux du CHUV et de l’UNIL. Un chiffre qui a de quoi donner le vertige. Il était donc tout naturel que le Plan climat du Conseil d’État (qui vise une réduction de 50 à 60% des émissions de CO2 d’ici 2030, pour atteindre la neutralité carbone en 2050) place l’assainissement énergétique de ces bâtiments parmi les priorités.
En février dernier, Pascal Broulis, chef du département en charge des immeubles, avait présenté publiquement les différentes étapes de ce vaste programme : «Le Conseil d’État a décidé d’assainir en priorité les plus grands et les plus anciens de son parc immobilier.» Soit les constructions datant d’avant l’an 2000 et d’une surface supérieure à 2000 m2, ce qui représente un ensemble de 77 bâtiments. Le coût total de cet assainissement sera de 475 millions de francs, échelonné en plusieurs étapes (à raison d’environ quatre chantiers par an) jusqu’en 2040. Date à laquelle le Canton aura supprimé 80% des émissions de CO2, tout en ayant amélioré son efficacité énergétique par des mesures d’isolation appropriée réduisant sa consommation d’énergie de 60%.
Les pionniers du durable
«L’objectif est ambitieux, mais l’enjeu est d’importance. Pour l’atteindre, les services du Canton peuvent compter sur 20 ans d’expérience et une certaine maîtrise de la matière», rappelle Yves Golay-Fleurdelys, responsable de la construction durable au sein de la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP). Le Canton de Vaud peut ainsi se targuer d’avoir donné le jour au premier bâtiment certifié Minergie ECO de Suisse, à savoir le centre d’entretien des routes nationales, construit à Bursins, en 2005.
«Nous avons développé un logiciel qui permet depuis 2005 de mesurer la consommation d’énergie de tous nos bâtiments. Grâce à quoi, chaque fois que nous fixons des objectifs ou montrons des résultats, ils se basent sur des éléments quantifiables et non sur des hypothèses ou des calculs. Ce qui nous permet de dire que nous ne vendons pas des promesses, mais du concret.»
«Surtout, nous avons développé un logiciel qui permet depuis 2005 de mesurer la consommation d’énergie de tous nos bâtiments, précise Yves Golay-Fleurdelys. Grâce à quoi, chaque fois que nous fixons des objectifs ou montrons des résultats, ils se basent sur des éléments quantifiables et non sur des hypothèses ou des calculs. Ce qui nous permet de dire que nous ne vendons pas des promesses, mais du concret.» De plus, ces objectifs ont également pu être confrontés aux résultats obtenus lors travaux d’assainissement effectués entre 2012 et 2015 sur sept bâtiments, dont le gymnase d’Yverdon-les-Bains et les Établissements pénitentiaires de la plaine de l’Orbe (EPO).
Trois fois moins d’énergie
Ce logiciel et les masses de données qu’il fournit ont ainsi permis de fixer les chantiers prioritaires pour lesquels un premier financement de 86 millions a été accordé par le Grand conseil. Cette étape comprend l’assainissement de neuf bâtiments, dont trois gymnases, deux écoles professionnelles, deux prisons et deux bâtiments administratifs (le BAP et le Tribunal cantonal) : «Pour y parvenir, nous allons agir essentiellement sur la rénovation des façades et des toitures, le remplacement des chauffages et la pose de panneaux photovoltaïques.»
Autant l’objectif est ambitieux, autant le moyen de l’atteindre est moins complexe qu’il y paraît : il faut «simplement» diviser en moyenne par trois la consommation d’énergie d’un bâtiment pour atteindre 38 kWh/m2. «Pour un immeuble neuf, l’objectif est 24 kWh/m2 an, mais lorsqu’il s’agit d’un bâtiment rénové, nous le plaçons entre 30 et 60 kWh/m2 an», détaille Yves Golay-Fleurdelys.
La pompe à chaleur en vedette
Parallèlement, l’autre indice sur lequel se fonde la stratégie d’intervention est celui des émissions de CO2. Sa diminution repose sur le changement des systèmes de chauffage et une transition vers des sources d’énergies renouvelables. À titre d’exemple, le mazout consomme 0,30 kg/kWh contre 0,23 pour le gaz, 0,07 pour les pellets et 0,03 pour les plaquettes. Le meilleur indice revient aux pompes à chaleur avec 0,01. «Pour autant qu’elles soient alimentées par de l’énergie solaire. D’où la nécessité de maximiser les surfaces solaires pour produire de l’électricité propre», insiste Yves Golay-Fleurdelys.
L’exemple des EPO est tout particulièrement parlant, et d’autant plus marquant qu’il s’agit du plus gros consommateur d’énergie du canton. Grâce au passage à la production de chaleur au bois sur le site des EPO, l’émission de CO2 a chuté de 90%, correspondant à un abaissement de 60 % sur l’ensemble des prisons, alors que les travaux d’isolation n’ont pas encore été entrepris, se réjouit l’architecte. «Donc si nous agissons d’abord sur les très gros consommateurs, les résultats sont plus visibles et importants, c’est comme si vous descendiez un escalier avec des marches plus hautes. C’est pourquoi il faut d’abord cibler les bâtiments qui ont le plus grand bras de levier.»
«Si nous agissons d’abord sur les très gros consommateurs, les résultats sont plus visibles et importants, c’est comme si vous descendiez un escalier avec des marches plus hautes. C’est pourquoi il faut d’abord cibler les bâtiments qui ont le plus grand bras de levier.»
Quelques exemples très concrets
Parmi les neuf bâtiments qui seront très prochainement en chantier, quelques exemples sauront illustrer la manière dont le Canton entend les assainir. Le bâtiment du Tribunal cantonal se caractérise par de grandes baies vitrées. «Il suffit de changer les verres et les cadres ouvrant, sans toucher aux éléments pleins de la façade – ce qui serait très onéreux et modifierait profondément l’aspect extérieur de l’immeuble. Ces seuls ‘’petits efforts’’ suffisent à réduire de 50% sa consommation d’énergie. Tout en respectant la valeur patrimoniale du bâtiment», explique Yves Golay-Fleurdelys.
Du côté du gymnase de Chamblandes, le projet est d’installer une pompe à chaleur qui fonctionnera avec l’eau du lac : «Nous sommes toujours en discussion avec la commune pour étudier comment elle pourrait s’y associer et étendre ce système au voisinage. Pour ce qui est du bâtiment, nous allons simplement isoler la toiture et changer les fenêtres, sans toucher à son expression architecturale.»
Au Bâtiment administratif de la Pontaise (BAP) enfin, les façades seront recouvertes d’un crépi isolant de 3 cm, la toiture sera isolée et les fenêtres changées : «Nous étudions aussi si nous pouvons installer des tuiles solaires, qui sont couleur brique et s’intègrent parfaitement dans la toiture : un projet novateur mené en partenariat avec l’EPFL, notamment.»
À la lumière de ces exemples qui conjuguent solutions de durabilité et impératifs patrimoniaux, il en ressort que la réussite de ce pan du Plan climat ne dépend pas de solutions compliquées : «Ce qui est important à nos yeux, c’est le panachage des solutions», conclut Yves Golay-Fleurdelys. (DA)