Dans dix ans, une nouvelle ligne de métro m3 reliera la gare de Lausanne à la Blécherette, et la capacité du m2 sera augmentée. Ce projet d’une ampleur particulière est mené conjointement par le Canton, la Ville de Lausanne et les Transports publics de la région lausannoise (tl), avec la collaboration des CFF. Il a pour but de dessiner les grandes lignes de la mobilité de demain.
Grâce à son m2 et ses presque 6 km de ligne, Lausanne figure sur la liste des villes européennes qui possèdent un métro entièrement automatique, c’est-à-dire piloté à distance. Elle en est la plus petite agglomération, avec le plus petit réseau. D’ailleurs, il y a 20 ans, le projet du m2 semblait démesuré aux yeux de certains Vaudois, qui se demandaient si leur capitale n’avait pas les yeux plus gros que le ventre. Et pourtant aujourd’hui, du fait de son succès et du développement considérable (pour ne pas dire spectaculaire) de Lausanne et son agglomération, ce réseau de transport est en train d’arriver à ses limites en matière de capacité. La ligne m2 doit être non seulement renforcée et mise à jour technologiquement, mais elle sera bientôt complétée par une nouvelle ligne, m3, qui reliera la gare de Lausanne à la Blécherette.
Une collaboration innovante
Le projet de construction du m3 et de transformation du m2 est né dans ses grandes lignes en 2015 et n’a cessé de se concrétiser depuis, autant techniquement que financièrement. Il s’agit d’un projet d’une ampleur inhabituelle qui implique trois partenaires: le Canton, maître de l’ouvrage qui finance le projet, les tl, qui exploitent le m2 et la Ville de Lausanne, qui accueille cette infrastructure sur son territoire. Ils collaborent avec les CFF pour une partie d’ouvrage commune sous la gare. «Entre le Canton, la Ville et les tl, il y a vraiment une convergence des intérêts autour du développement des métros, explique Yves Trottet, directeur du projet depuis cinq ans. Améliorer l’offre vise à inciter les gens à utiliser davantage les transports publics. Cela répond aussi aux objectifs de durabilité et de préservation du climat, puisque le métro fonctionne entièrement à l’électricité.»
Si le Canton a l’habitude de coopérer avec d’autres institutions, la manière de le faire cette fois-ci est peu commune. Une cellule de projet composée de 17 personnes employées par la Direction générale de la mobilité et des routes de l’État de Vaud (DGMR) et les tl a été constituée. En effet, le Canton et l’entreprise de transports publics constituent deux faces de la même pièce : la construction et la gestion d’infrastructures sont intrinsèquement liées à la conception et à la transformation du système de pilotage. «Nous cherchons à avoir le système le plus adapté aux besoins des usagers et avec la souplesse nécessaire pour son exploitation, précise Julien Bauer, responsable de la partie système métros pour les tl. Il y a une dynamique à trouver entre l’enveloppe financière, l’infrastructure et une technologie à même d’être opérationnelle pour les prochaines décennies.»
S’entendre pour avancer
Pour l’équipe de projet, la collaboration entre toutes les parties concernées est une force. «Il en va de la vision globale du projet, relève Yves Trottet. Bien sûr, cela complexifie aussi les relations, mais c’est un avantage énorme de pouvoir se parler en direct et prendre des décisions ensemble.» Et le projet sollicite des choix au quotidien dans tous les domaines : systèmes, infrastructure, procédure, autorisations, mesures pour l’environnement, etc. «Chaque jour il faut fixer les priorités et avancer. On n’a pas le choix», explique Martin Schneider, responsable du domaine infrastructure. «On doit s’entendre sur tous les sujets, sinon le projet bloque», complète Yves Trottet. «Il faut réussir à faire concorder les besoins des entités qui nous gouvernent et les besoins du projet, et souvent la solution se trouve dans le compromis. À la façon de notre système démocratique, c’est un peu plus lent, mais c’est nécessaire», conclut Julien Bauer.
La Ville de Lausanne, elle, est au comité de pilotage. Le m3, bien que destiné à tous les Vaudois, présente un tracé entièrement lausannois. «Le métro s’intègre dans les espaces publics. Sa construction ne se fait pas qu’en sous-sol, explique Martin Schneider. Le projet doit tenir compte de la surface également.» L’arrivée du métro va transformer la ville et les habitudes de mobilité. La Ville de Lausanne a notamment des projets de transformation des espaces publics, comme la place du Flon ou la place Chauderon.
«Nous pouvons remercier ces visionnaires de l’an 2000 qui ont fait le pari, il y a plus de vingt ans, d’une ville en pleine expansion»
Allier urbanisme et mobilité
Le m3 desservira le stade de foot de la Tuilière et le futur écoquartier des Plaines-du-Loup, qui fait partie du projet «Métamorphose» et qui accueillera d’ici une dizaine d’années 8000 habitants et 3000 emplois. Les projets d’urbanisme et de mobilité ont ainsi été conçus pour se compléter.
L’équipe de projet profite d’ailleurs du succès du m2. En ce moment, elle rencontre, un à un, les propriétaires immobiliers qui se situent sur le tracé de la future ligne. «Même si les gens préfèreraient que le métro passe sous la maison du voisin, la plupart d’entre eux sont favorables au projet, se réjouit Martin Schneider. C’est rare pour ce type de projet.» «Nous pouvons remercier ces visionnaires de l’an 2000 qui ont fait le pari, il y a plus de vingt ans, d’une ville en pleine expansion», relève le directeur de projet Yves Trottet. «Ils n’ont pas seulement pressenti le développement urbain, ils ont aussi fait le pari du métro. C’est-à-dire, opté pour un moyen de transport en site propre, qui n’a à composer ni avec le trafic, ni avec les tracés routiers.» Pour Lausanne, ce fut un pari gagnant.
Doubler la capacité entre la gare et le Flon
Le projet se concrétise chaque jour davantage. Le 29 juin 2021 a été donné le premier coup de pioche de la transformation de la gare de Lausanne. Il s’agit d’un jalon symbolique, puisque les CFF construiront dans ce cadre un nouveau tunnel à double sens de circulation et une nouvelle station pour le m2 dans le sous-sol de la place de la gare.
Il faut dire que lors de la mise en service du m2 en 2008, on estimait qu’après quinze ans, sa fréquentation annuelle atteindrait les 25 millions de voyageurs. Mais au bout d’une seule année d’exploitation, le succès a été tel que 22 millions de voyageurs l’avaient déjà emprunté. Le seuil des 25 millions de voyageurs annuels a été franchi en moins de trois ans. Depuis, le nombre d’usagers n’a cessé d’augmenter, pour dépasser 32 millions en 2019 ! «Le matin aux heures de pointe, il n’est pas rare de devoir laisser passer une ou deux rames avant de pouvoir embarquer à la gare», raconte Martin Schneider.
Une opération à cœur ouvert sur le m2
Aujourd’hui, la ligne, particulièrement sollicitée entre les stations de la gare et de La Sallaz, arrive à saturation. La section entre la gare et le Flon représente de loin le tronçon le plus chargé. Le projet vise donc à doubler la capacité de transport entre la gare CFF et le Flon, grâce au m3, qui circulera également entre la gare et le Flon, et en ajoutant une voie sur le goulet d’étranglement constitué par la section historique à voie unique entre la gare et la station de Grancy. La mise à jour technologique du m2 et la mise en circulation de nouvelles rames permettront d’augmenter les cadences.
On l’oublie parfois, mais le m2 est un métro dit automatique, guidé à distance, sans chauffeur. Pour pouvoir augmenter sa cadence, il va bénéficier d’un renouvellement de son système d’exploitation et migrer vers un système plus performant. Ce système sera identique à celui de la future ligne m3, rendant les métros compatibles : les rames pourront circuler sur tout le réseau et seront toutes pilotées depuis le même centre de commande. «Il est toujours difficile de moderniser ce qui est en exploitation», souligne Julien Bauer, le spécialiste du système de métros. Véritable opération à cœur ouvert, cette migration d’un système vers un autre représente un travail important, sur la ligne et sur les rames. Il s’effectuera pendant quatre ans, la nuit, sur un réseau maintenu en activité durant la journée.
m3, voie du nord
La nouvelle ligne m3, d’une longueur de 3,6 km, reliera quant à elle la gare de Lausanne à la Blécherette, avec cinq arrêts intermédiaires : au Flon, à Chauderon, à Beaulieu, aux Casernes et aux Plaines-du-Loup. Cette ligne permettra de desservir les nouveaux quartiers au nord de Lausanne. Elle aura pour départ l’actuelle station Lausanne-Gare du m2 et rejoindra le Flon (par la voie actuelle du m2), avec une nouvelle station dédiée au niveau de la Place de l’Europe en connexion directe avec celles du m1, du m2, du LEB, du futur tramway et des bus.
Gare de Lausanne, le grand «hub»
Le projet de construction du m3 et de transformation du m2 est très lié à la modernisation de la gare de Lausanne, qui fait elle-même partie du programme Léman 2030 des CFF. Avec ce très grand projet d’infrastructure, c’est tout le réseau de l’arc lémanique qui est en train d’être reconfiguré et intensifié afin de répondre, notamment, au doublement de la fréquentation de l’axe Lausanne – Genève- prévu à l’horizon 2030 ; soit le transport de plus de 100 000 voyageurs par jour. Ce programme regroupe une quinzaine de projets d’infrastructure, dont la modernisation des gares de Renens, Lausanne et Genève. La gare de Lausanne sera entièrement transformée et va fortement augmenter sa capacité d’accueil pour prendre en charge et fluidifier les déplacements des nombreux usagers générés par cette intensification massive du trafic ferroviaire. Leur nombre quotidien devrait atteindre 200 000 par jour à l’horizon 2030.
C’est donc, aussi, pour absorber ce nouvel afflux de voyageurs qu’une nouvelle station sera construite pour le m2 sous la place de la Gare, plus spacieuse et avec une pente plus douce que l’actuelle. Le projet, en collaboration avec les CFF, est de réaménager le sous-sol de la place de la Gare en une véritable interface multimodale. En particulier les stations des lignes de métro m2 et m3 qui seront directement connectées aux lignes ferroviaires et accessibles via les trois nouveaux passages sous-voies de la gare de Lausanne. Les plannings des deux chantiers sont très fortement liés. Les deux premiers passages sous-voies seront ouverts simultanément à la mise en service du m2 sur son nouveau tracé.
D’ici dix ans, aux heures de pointe, il sera possible de monter dans une rame du m2 toutes les 1’50’’, et toutes les 3 minutes dans le m3. Rejoindre la toute nouvelle gare depuis la Blécherette prendra 11 minutes. De quoi redessiner la géographie de l’agglomération et changer les habitudes de mobilité. D’ici là, le Canton, les tl et la Ville ont du travail, main dans la main. (LKL)
Une étroite collaboration avec les CFF
Afin de profiter des synergies possibles entre deux projets, la transformation de la ligne m2 prend un peu d’avance pour la construction du premier tronçon de son nouveau tracé entièrement à double sens en s’adaptant au calendrier des CFF. Les travaux pour la grande mue de la gare de Lausanne viennent en effet de commencer. Benjamin Lhomme, chef de projet général aux CFF, nous explique comment le projet métro a été intégré à Léman 2030.
Comment la collaboration avec le Canton a-t-elle démarré concernant la place de la Gare de Lausanne ?
En 2009 s’est signée la convention-cadre Léman 2030, qui a pour objectif le développement de la mobilité entre Lausanne et Genève. Puis en 2010, et après avoir acté la mise à disposition de l’ancien dépôt CFF au Canton pour développer le pôle muséal de Plateforme 10, les CFF et le Canton ont commencé à travailler ensemble pour développer un centre de mobilité pour les clients des transports publics : trains, métros, bus, mobilité douce, piétons.
Comment avez-vous intégré les besoins du Canton dans votre projet de la nouvelle place de la Gare ?
Les interfaces sont multiples entre le Canton et le projet de la gare, comme le projet des métros m2 et m3 ou le quartier des musées. Durant toute la phase d’études du projet de la gare de Lausanne, Canton et CFF ont pu travailler main dans la main pour aboutir à des solutions cohérentes pour tous les utilisateurs des transports en commun.
Est-ce une contrainte importante ?
La complexité est en particulier liée à la nécessité de maintenir en exploitation les transports publics (670 trains par jour, métros et bus), accueillir les clients (140 000 clients par jour) et limiter les nuisances (30 000 riverains). De plus, l’interface entre deux projets aussi importants, à savoir la gare de Lausanne et le projet des métros m2 et m3, comporte des contraintes très complexes. L’imbrication d’une deuxième ligne de métro dans le sous-sol de la place de la gare, puis traversant toutes les voies CFF en souterrain est une contrainte majeure. Au-delà des aspects techniques, les enjeux de mobilité et de planning ont guidé les solutions techniques afin qu’un projet ne retarde pas l’autre.
Calendrier
29 juin 2021 : premier coup de pioche de la transformation de la gare de Lausanne
2022 : mise à l’enquête du m3 entre le Flon et la Blécherette (demande de permis de construire)
2024* : début des travaux
2030* : horizon de mise en service du m2 sur son nouveau tracé
2031* : horizon de mise en service du m3
*Sous réserve de l’obtention du permis de construire
En chiffres
7 stations pour le m3, entre la gare et la Blécherette
1’50’’ : fréquence du m2 sur son nouveau tracé aux heures de pointe à sa mise en service
3’ : fréquence du m3 aux heures de pointe à sa mise en service
11 minutes environ : temps de trajet entre la gare et la Blécherette avec le m3
X2 : grâce aux m2 et aux m3, la capacité de transport sera doublée entre Lausanne-Gare et le Flon