Sébastien Roh, au pupitre, scrute les 24 écrans qui lui permettent de veiller sur les automobilistes empruntant les autoroutes vaudoise. | Photo: BIC (FA)
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Opérateurs de trafic: les anges gardiens du bitume

Derrière les 384 caméras braquées sur les routes vaudoises, les opérateurs de trafic professionnels (OTP) veillent jour et nuit à la sécurité des milliers d’automobilistes qui empruntent quotidiennement les 2338 kilomètres d’autoroute et de routes cantonales.

Sébastien Roh, au pupitre, scrute les 24 écrans qui lui permettent de veiller sur les automobilistes empruntant les autoroutes vaudoise. | Photo: BIC (FA)
2 minutes de lecturePublié le 31 mai 2021

Assis derrière un mur d’écrans, Sébastien Roh est concentré sur les voitures qui défilent dans tous les sens. Pour un œil novice, c’est un kaléidoscope de flux sans fin. Il est encore tôt ce matin-là et déjà, le trafic des pendulaires bat son plein. L’œil est exercé, le geste assuré, Sébastien Roh arrive à surveiller en même temps tout ce qui se passe autour de lui dans le centre d’engagement et de transmission (CET) de la police cantonale, qui se situe encore, pour peu de temps, dans les bâtiments de la Blécherette (lire l’encadré).

Sébastien Roh fait partie des dix opérateurs de trafic professionnels qui se relaient jour et nuit au «pupitre», comme ils désignent leur place de travail équipée d’ordinateurs, de multiples moyens de transmission et d’une multitude d’écrans. Il y en a vingt-quatre, dont deux grands qui peuvent ensuite se décomposer en mosaïque et créent la sensation d’un véritable mur d’images.

Derrière leur pupitre, les OTP peuvent sentir en temps réel le pouls du trafic et ainsi mieux le diriger, le guider, voire le contrôler en instaurant des limitations de vitesse variables ou en créant des couloirs d’urgence. Mais ils ont aussi la possibilité de communiquer avec les automobilistes grâce aux panneaux d’affichage ou par le biais des infos route de la radio lorsqu’un bouchon s’est formé ou qu’un danger doit être signalé.

Travailler au coude à coude

Le regard de Sébastien Roh est vif, entraîné à repérer immédiatement un événement inhabituel. À cet instant, tout est calme. Une voiture en panne sur une bande d’arrêt d’urgence vient d’être dépannée. Grâce à l’une des 496 bornes SOS qui jalonnent les 206 kilomètres vaudois d’autoroute et qui aboutissent toutes au CET, la voie a pu rapidement être libérée sans entraver la fluidité du trafic. «La carte peut être désormais archivée», précise Sébastien Roh.

Chaque événement crée une carte d’appel qui enregistre, notamment, les moyens engagés et les procédures suivies. Et sitôt qu’un des OTP ouvre une carte, elle est partagée avec leurs collègues policiers. «Ce qui nous permet de réagir rapidement et de manière coordonnée puisque nous travaillons au coude à coude dans le même local et que nous utilisons ce même outil», se félicite Sébastien Roh.

Comme presque tous les matins, des transports spéciaux sont signalés. Sébastien Roh vérifie leur itinéraire pour s’assurer qu’ils passent en largeur sur les tronçons d’autoroute dont les voies sont rétrécies par des chantiers. Et ils sont nombreux, les chantiers qui nécessitent également la mise en place d’un trafic bidirectionnel. De même, comme chaque matin, Sébastien Roh et ses collègues ouvrent au trafic la bande d’arrêt d’urgence sur les tronçons de Morges–Ecublens et de Cossonay–Villars-Sainte-Croix. Autant d’opérations routinières pour les OTP, mais qui n’en sont pas moins délicates.

Caméras intelligentes

Parmi les différents outils à disposition des opérateurs de trafic, on trouve un système de gestion autoroutier, grâce auquel les OTP gèrent entre autres les signalisations lumineuses et les limitations de vitesse, mais aussi le contrôle permanent des quelque 380 caméras qui veillent à la sécurité, mais également à la fluidité du trafic — certaines étant suffisamment intelligentes pour détecter des incidents ou des accidents. Placées dans les tunnels, ces caméras DAI (détection automatique d’incidents) permettent de réagir immédiatement lorsqu’elles détectent, par exemple, un véhicule immobilisé sur une bande d’arrêt ou roulant à contresens, de la fumée ou un incendie, un bouchon ou encore un objet tombé sur la chaussée.

«Si quelqu’un s’arrête dans un tunnel, on peut tout de suite réagir, c’est à nous de fermer les voies. En revanche, lorsqu’il y a un contresens, cela déclenche automatiquement des feux pour rabattre le trafic sur la voie lente»

Sébastien RohOpérateur de trafic

«Si quelqu’un s’arrête dans un tunnel, on peut tout de suite réagir, c’est à nous de fermer les voies. En revanche, lorsqu’il y a un contresens, cela déclenche automatiquement des feux pour rabattre le trafic sur la voie lente», explique Sébastien Roh. Et de préciser que l’usage des caméras est strictement réglementé par l’Office fédéral des routes, qui veille au respect de la protection des données personnelles : «Pas question, par exemple, que l’on puisse lire une plaque minéralogique.»

Doser le trafic

Premiers en Suisse romande à le mettre en œuvre, les opérateurs de trafic vaudois auront dans le courant du mois de juin, un nouvel outil à disposition pour mieux doser le trafic. Chef adjoint des OTP, Patrick Bérard explique : «Avant d’être étendu à l’ensemble des points critiques du réseau vaudois, ce système sera tout d’abord testé sur l’autoroute en direction d’Yverdon, à l’entrée de Cossonay. Il s’agit d’un système de stop and go installé sur la rampe d’accès qui sera doté de feux alternés permettant ainsi de réguler le nombre de véhicules pouvant s’insérer dans le trafic autoroutier.»

Photo: Adobe Stock

Routine et stress

Fort de ses dix-huit ans d’expérience, Patrick Bérard résume le quotidien des opérateurs de trafic : «Une voiture ou un camion qui tombe en panne dans un tunnel, et rapidement nous passons d’une situation de routine à une situation de stress. Heureusement, nous ne vivons pas tous les jours de graves accidents ou des poids lourds qui se retournent sur la route. Le quotidien est plutôt fait de pannes, de petits accrochages et de tôle froissée. D’abord, nous nous nous concentrons sur notre travail habituel, après on laisse la place à l’imprévu et parfois à l’exceptionnel. Parce que tout peut basculer en une fraction de seconde…»

Il est vrai que les OTP sont aussi les témoins d’accidents qu’ils vivent parfois en direct. Patrick Bérard se souvient surtout de l’incendie d’un autocar survenu dans le tunnel d’Arrissoules en 2014 : «On voyait les passagers sortir du car en flammes et partir dans la mauvaise direction. Derrière nos écrans, on se sentait impuissants, on aurait voulu crier, leur dire de partir dans le sens opposé au dégagement de fumée. Heureusement, il y n’a eu ni mort ni blessé.»

Dans le vaste centre de contrôle de La Blécherette, on voit sur les écrans le trafic matinal diminuer petit à petit, mais la journée ne fait que commencer. (DA)

«On voyait les passagers sortir du car en flammes et partir dans la mauvaise direction. Derrière nos écrans, on se sentait impuissants, on aurait voulu crier, leur dire de partir dans le sens opposé au dégagement de fumée. Heureusement, il y n’a eu ni mort ni blessé.»

Patrick BérardChef adjoint des opérateurs de trafic

Une centrale unique pour mieux gérer les urgences

Situé non loin de l’aérodrome de la Blécherette, le nouveau site de la Grangette accueillera en 2022 toutes les centrales d’urgence du canton de Vaud, y compris celle de la police lausannoise. Fait unique en Suisse, ce futur bâtiment abritera les trois centrales d’urgence: le 117 de la police, le 118 des pompiers et le 144 pour les ambulances. La gestion du trafic de l’agglomération quittera également ses murs actuels pour rejoindre ce centre encore construction.
Ce regroupement doit permettre d’offrir une synergie entre les différents acteurs et permettre de mieux gérer les situations de crise. Ainsi, en plus des numéros de secours, une salle sera destinée à l’état-major de conduite, réuni en cas de crise telle que celle traversée lors de l’accident d’un train chimique à Daillens, en 2015.
Chaque année, ce sont en effet quelque 420’000 appels cumulés qui parviennent au Centre d’engagement et de transmission de la police cantonale vaudoise et à la Centrale d’alarmes et d’engagement de la police municipale de Lausanne. Ce chiffre augmente d’année en année en raison de l’accroissement démographique et de la densification du trafic routier.
Ce bâtiment accueillera également le nouveau centre administratif de l’ECA Vaud et regroupera, à terme, les 300 collaborateurs de l’assurance, aujourd’hui dispersés entre Lausanne et Pully, siège actuel de l’ECA. (DA)

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