Aude prend la vie à bras le cor
Comme par magie, le premier souffle qu’Aude Genton a poussé dans un cor des Alpes a donné à sa vie un tour extraordinaire. Entre autres folles aventures vécues grâce à son instrument, sa visite récente au Vatican où elle a joué pour le Pape François en personne. Responsable de l’administration du personnel au Service de la sécurité civile et militaire, elle nous raconte une passion merveilleuse.
« Si j’arrive à sortir un son de cet engin, j’apprends à en jouer », s’est dit Aude Genton, le jour où un groupe de cors des Alpes était de passage au Mont-Pèlerin, où elle habite. C’était en 2010, et le son rauque et surprenant qu’elle a réussi à produire en soufflant dans cette drôle de trompe en bois a changé sa vie. Ce jour-là, on lui prête un instrument qu’elle déploie au milieu de son salon. Dès lors, elle n’aura de cesse de le travailler, jusqu’à réussir à ne faire qu’un avec son cor et souffler en harmonie les 16 notes que l’on peut tirer de cet instrument. Ce n’est pas l’amour au premier regard, mais plutôt l’amour au premier souffle. « Ce n’était pas si facile. Ce serait trop rigolo, sinon ! J’ai failli le mettre au feu une ou deux fois », confie la persévérante Aude.
A la croisée des passions
Rapidement pourtant, elle intègre différentes formations, l’Echo du Mont-Pèlerin, l’Académie suisse de cor des Alpes et l’Echo des Vanils, Cor de la Venoge et le trio A B C. En 2011 déjà, sa nouvelle passion musicale lui offre un joli cadeau. Cette ancienne gymnaste, investie au comité du club de gym de sa commune, est invitée à jouer sur le toit du stade de la Pontaise, à l’occasion de Gymnaestrada de Lausanne. Et en 2019, c’est grâce à son instrument qu’elle participe à la Fête des Vignerons et honore une tradition familiale séculaire. Depuis 1889, la famille Genton entraîne en effet les bœufs qui tirent le glorieux char de Cérès, la déesse des moissons et de l’agriculture. Mais cette année-là, pour la première fois, point de bœufs. Alors, le cor des Alpes lui offre un joli sésame. « J’ai mouillé ma blouse pour l’audition ! Une fausse note m’a fait lâcher un juron grâce auquel j’ai fait le plus beau sol de ma vie », raconte Aude, encore émue d’avoir été sélectionnée pour cette aventure inoubliable.
Des voyages et des rencontres
Les yeux de la Chardonnerette brillent quand elle raconte ses périples avec son instrument. Un jour, à Berlin, en simple touriste, l’envie lui prend de jouer dans un parc. Quelle ne fut pas sa surprise de voir les passants couvrir de pièces la housse du cor, posée à ses pieds. « Ça m’a payé le billet de retour ! », s’exclame la musicienne de rue d’un jour. Lors d’un mariage à Zurich, elle rencontre un ancien ambassadeur suisse qui, charmé par son enthousiasme, l’invite, elle et son groupe, à jouer dans un château à Toulouse, pour un anniversaire diplomatique. « C’était merveilleux ! ». L’année passée, elle était à l’aéroport de Zurich pour accueillir les joueurs de la Nati, à leur retour de l’Euro. Et début juin, c’est le point d’orgue. Un jeune musicien de l’Académie les emmène au Vatican où il est Garde suisse. C’était déjà un événement majeur, mais après leur concert, les voilà invités à jouer une composition originale pour le Pape François. « Un grand moment… Je n’ai pas l’habitude de faire ça, mais là, je me suis placée sur la photo ! » avoue-t-elle fièrement.
Un instrument exigeant
Le cor des Alpes est un instrument ancien. On en trouve une illustration datant de 1595 sur un vitrail, à Adelboden. A l’ère de la 5G, il n’est plus utilisé pour communiquer d’un versant de montagne à un autre. De nos jours, il a pris une fonction de démonstration. Mais derrière ses atours folkloriques, il cache une vraie profondeur. C’est un instrument exigeant qui demande beaucoup de travail et une présence particulière à soi et au monde. Pour en jouer, il faut faire… corps avec lui. Aude explique comment se placer par rapport à lui, mais aussi par rapport à l’environnement, puisqu’il se pratique souvent en extérieur. Debout, les pieds bien ancrés dans le sol, on respire à travers lui tout en étant à l’écoute des autres. Les notes, longues, doivent se caler sur le souffle des collègues. On respire à l’unisson. Comme pour une méditation, les soucis du quotidien n’ont pas de prise sur ce temps suspendu, connecté au sol, à soi et aux autres. « C’est tout un art ! »
Fabriquer son cor des Alpes soi-même
Sa fabrication requiert un savoir-faire ancestral. Le premier instrument qu’Aude a acquis provient de l’atelier Michel Gaugaz à Aigle, repris par François Morisod à Lavey Village. Sur le pavillon, elle a fait peindre une désalpe de personnages aux agrès, joyeux et légers, comme le cœur quand il entend le son du cor. Le second, elle l’a fabriqué elle-même à Ballenberg. Durant toute une semaine, accompagnée d’un spécialiste, elle creuse, ponce et tourne trois morceaux taillés dans un tronc d’épicéa. Elle trempe et cercle le rotin qui l’entoure. Sur celui-là, elle a gravé son prénom.
Encore de beaux jours
Le programme de l’été est déjà chargé et les demandes continuent d’affluer pour le 1er août qui est archi complet depuis longtemps. Là, Aude se concentre sur les concours de sélection pour la Fête fédérale des Yodleurs à Zoug en 2023. Ce sera sa troisième participation, et elle compte bien en être. (LKL)