Madame Pousaz pose dans un décor champêtre, sous un ciel nuageux.
L'archéologue cantonale Nicole Pousaz: « Très jeune, j’ai su que je voulais être archéologue. Tous mes choix scolaires ont été dictés par cette envie. » | BIC (FA)
Métier

Archéologue, un métier d’avenir

Archéologue cantonale depuis 2009, Nicole Pousaz raconte son métier, sa passion pour cette discipline qui n’a jamais pris la poussière.

L'archéologue cantonale Nicole Pousaz: « Très jeune, j’ai su que je voulais être archéologue. Tous mes choix scolaires ont été dictés par cette envie. » | BIC (FA)
7-8 minutes de lecturePublié le 17 juin 2022

Nicole Pousaz est archéologue avant tout. Entre fiction et réalité, ce métier fait rêver, de génération en génération. Grâce, peut-être, à l’imagerie populaire qui en a brossé un portrait qui lui colle encore à la peau : les bottes aux pieds, la terre sous les ongles et la tête plongée dans de vieux grimoires poussiéreux. Quelques figures emblématiques renforcent encore le mythe, de Champollion à Schliemann, de Lawrence d’Arabie à… Indiana Jones.

Si Nicole Pousaz sourit à ces évocations, elle nous ramène sur terre par une définition, moins romantique, mais très claire de son métier :

« L’archéologie consiste à rechercher, trouver, documenter et comprendre les traces matérielles du passé. À la différence d'autres domaines historiques, elle s'attache aux restes matériels à partir desquels elle essaie de raconter l'histoire et le passé. »

Nicole PousazArchéologue cantonale

Une définition qui remonte à l’époque grecque classique, puisque le premier emploi du terme apparaît chez Platon. « En revanche, la compréhension de la démarche a varié au fil du temps, note Nicole Pousaz. Notamment depuis certains personnages emblématiques qui cherchaient davantage les traces majestueuses du passé et les trésors. La discipline a depuis lors évolué ».

Ne pas se limiter aux rois

Depuis le développement des routes nationales, l’archéologie vit une période faste. Non seulement ces grands travaux ont permis à plusieurs générations d’archéologues de vivre de leur métier – le financement des recherches était inclus dans les coûts de construction –, mais ils ont également largement contribué à le faire évoluer. « Nous sommes alors passés dans une autre dimension, celle des fouilles préventives, explique Nicole Pousaz. Elles nous ont mis face à des découvertes inédites. On a dû élargir l’œilleton de la lorgnette et s'intéresser aux objets plus modestes, mais qui parlent de la vie quotidienne des gens, qui participent à la compréhension du territoire et de la société sans forcément rechercher les objets les plus prestigieux. L’archéologie a pris une dimension plus sociologique, ethnoarchéologique, pour essayer de mieux se représenter les sociétés, et ne pas se limiter aux personnages historiques, comme les dirigeants ou les monarques. »

En 2009, lorsqu’elle succède à Denis Weidmann – premier archéologue des temps modernes de l’administration vaudoise –, Nicole Pousaz a déjà une longue expérience derrière elle. Elle avait piloté pendant vingt ans des fouilles qui précédaient le tracé de la Transjurane, tout en dirigeant occasionnellement des chantiers archéologiques en Mongolie ou en Syrie. « Depuis mes réels débuts professionnels, en 1986, j'ai quasiment toujours occupé le poste de cheffe de chantier. Il va sans dire que j’ai appris sur le tas. Comme dans beaucoup d’autres domaines, quand on fait une formation d'archéologue, on n'apprend pas à gérer les personnes, bien qu’il s’agisse d’une question fondamentale dans ce métier. » Comme elle le rappelle, un archéologue seul ne fait pas grand-chose. Il appartient à une équipe. Qu’il s’agit de gérer, à qui il convient de donner des directions et avec qui il faut développer des stratégies. « J'ai eu la chance de pouvoir acquérir ces compétences pendant mes vingt années passées sur les chantiers de la Transjurane, où j'ai assimilé des manières de faire ou ne pas faire, et dont je me suis ensuite inspirée en tant qu’archéologue cantonale ».

Le Brelan de cœur de l’archéologue cantonale

En presque quinze ans de carrière dans le canton de Vaud, quels sont les dossiers qui lui tiennent le plus à cœur ? « Il y a bien sûr les premières découvertes sur la colline du Mormont, qui sont antérieures à ma prise de fonction. Mais mon premier jour en tant qu’archéologue cantonale débuta avec une réunion sur le site lui-même. Difficile de ne pas s’en souvenir :  la découverte d’un sanctuaire celtique d’un genre inconnu fut un choc pour beaucoup d'archéologues. »

Une autre découverte qui l’a tout particulièrement touchée : les socles des balanciers de la monnaie, découverts lors de la restauration du château Saint-Maire. « Cette trouvaille extraordinaire montre comment, lors du creusement d'une petite tranchée pour faire passer des câbles électriques, on peut soudainement appréhender les fondements du Canton de Vaud grâce à la vigilance des archéologues qui suivaient les travaux. C’est absolument génial de retrouver ainsi les traces d'un atelier monétaire dont on avait oublié l'existence. Ce fut une véritable révélation ! »

Pour changer un peu de domaine et d’époque, quelque chose de plus discret, mais tout aussi fantastique aux yeux de Nicole Pousaz, le site des Clées, situé entre les villages de L’Abergement et de la Russille, sur une terrasse dominant la plaine de l’Orbe. « Ce site a permis d’exhumer des fragments de céramique, quelques ossements animaux, un fragment de tibia humain, ainsi que deux structures de combustion et une spirale en bronze. Ils constituent l’un des rares témoignages de la transition entre la fin du Néolithique et le début des âges des métaux en Suisse occidentale. Comme préhistorienne, je suis tout particulièrement touchée lorsque l’on retrouve des traces aussi anciennes et aussi rares. Et même si elles ne sont pas spectaculaires, elles sont passionnantes, parce qu’elles nous disent où les gens vivaient à cette époque, ce qui nous renvoie aussi à des questions d’occupation du territoire. »

Pas de crise de vocation, mais…

Enfant déjà, Nicole Pousaz se passionnait pour tout ce qui touchait à la Rome et aux histoires du passé. « Très jeune, j’ai su que je voulais être archéologue et rien d'autre. Puis, tous mes choix scolaires furent dictés par cette envie. » Qu’en est-il aujourd’hui ? À l’instar d’autres disciplines, l’archéologie souffre-t-elle d’une crise de vocation ? « Il y a toujours autant d’étudiants, se réjouit Nicole Pousaz, pour qui la formation de la relève est une constante préoccupation. Et si nous manquons de personnes aptes mener les fouilles, cela tient surtout au nombre élevé de chantiers ouverts grâce aux fouilles préventives. En revanche, la difficulté est surtout de pouvoir en vivre dans la durée, ce qui conduit de nombreux archéologues à bifurquer, passé un certain âge, vers d’autres débouchés professionnels, ce qui pose un problème de pérennité dans la recherche. Forcément, il y a une déperdition de savoir et de compétence. Certes, beaucoup de données passent par la transmission de dossiers, mais aussi par la compréhension et la perception du terrain. Idéalement une seule personne devrait pouvoir suivre un chantier et assurer in fine la publication scientifique. »

Journées vaudoises d’archéologie

Organisées en 2022 par les site et Musée romains d’Avenches, en partenariat avec le Musée cantonal d’archéologie et d’histoire (MCAH) et l’Archéologie cantonale, les Journées vaudoises d’archéologie, dont c’était au mois de mai la 6e édition, permettent de faire découvrir le métier ou d’élargir les connaissances du public. Mais elles offrent également aux chercheurs l’occasion de se rencontrer et de partager leurs pratiques respectives. « Comme les contraintes de sécurité et de temps sur les fouilles ne permettent souvent pas d’organiser des portes ouvertes, ces journées permettent de faire découvrir les coulisses et les variétés du métier. Il s’agit aussi de montrer pratiquement les liens qui existent entre l’Archéologie cantonale et le Musée cantonal d’archéologie et d’histoire, avec lequel nous travaillons très étroitement », explique l’archéologue cantonale. « Ces journées sont aussi une manière de présenter la manière dont les objets sont tirés du sol, puis documentés, traités et restaurés avant d’être offerts à la vue du public. » (DA)

Carte d’identité

Rattachée à la Direction générale des immeubles et du patrimoine, la Division archéologie rassemble une vingtaine de collaboratrices et collaborateurs permanents. Sa mission première est de gérer la carte archéologique cantonale qui compte environ 3700 sites de contrôler les projets de construction et prescrire les mesures de conservation, d'organiser et contrôler les investigations et d'assurer la conservation des sites et monuments archéologiques.

Dix bougies pour la revue d’Archéologie vaudoise

Depuis 2012, la revue Archéologie vaudoise (AVd) est devenue le rendez-vous annuel des professionnels et des nombreux passionnés du passé cantonal. Grâce à une mise en page belle et attrayante, elle vise également à élargir son lectorat en mettant en valeur les inestimables richesses du patrimoine archéologique vaudois. Comme l’écrit Nicole Pousaz dans la préface du numéro hors-série en préparation: « Chaque année, plus d’une centaine d’interventions archéologiques d’ampleur variable sont ordonnées et supervisées par l’État de Vaud. Si seules les plus spectaculaires sont connues du public grâce à des communiqués ou des articles de presse, toutes apportent une ou plusieurs pierres utiles à la reconstitution de l’Histoire. »

Diffusé à la fin du mois de juin, ce numéro hors-série constitue une riche rétrospective des 45 études publiées dans les neuf numéros. Sa lecture permettra de se rendre compte de l’extraordinaire diversité de ces découvertes qui couvrent l’histoire du canton de Vaud, des plus anciens campements de chasseurs-collecteurs dans les Préalpes, jusqu’aux cimetières de l’époque moderne.

Au mois d’octobre 2022, la revue Archéologie vaudoise publiera son 10e numéro. Habituellement tirée à 1000 exemplaires, elle est distribuée aux services concernés des administrations cantonales ou communales, aux musées, aux universités, aux bibliothèques ou aux entreprises de construction concernées par les fouilles préventives. Elle est également disponible à l’Archéologie cantonale pour le prix de 15 francs. (DA)

Division archéologie - VD.CH

Continuez votre lecture