Ergonomie: trouver sa (bonne) place au travail
Les troubles musculo-squelettiques, véritable enjeu de santé publique. Malgré des actions de prévention, ces atteintes articulaires continuent à se développer dans le milieu professionnel avec des répercussions économiques et sociales considérables. Physiques, psychosociaux et organisationnels, les facteurs de risques sont identifiables. Baptiste Antoine, ergonome à Unisanté, explique ce qu’est l’ergonomie et pourquoi la prévention dans ce domaine n’est pas qu’une posture…
Dans une enquête menée en 2020, l’Office fédéral de la statistique relevait que, parmi les 12% de personnes actives ayant déclaré souffrir de problèmes de santé causés ou renforcés par leur travail, les douleurs musculo-squelettiques étaient les problèmes les plus fréquents – soit 58% des plaintes, suivies à 25% par les problèmes de stress ou de dépression. Ces douleurs multiformes (lire plus bas) qui se réveillent sous forme de lombalgies, de tendinites ou d’inflammations chroniques sont présentes également à l’État de Vaud, qui cumule des métiers administratifs et de terrain. Baptiste Antoine, ergonome à Unisanté qui collabore avec la direction Qualité de vie au travail de la Direction générale des ressources humaines (DGRH), a reçu 89 demandes de visites individuelles en 2023. «Malheureusement, la majorité des demandes arrive souvent trop tard, une fois que la douleur est déjà installée et potentiellement chronique. Et l’ergonomie ne se substitue pas aux thérapies…», rappelle-t-il.
Trouver sa (bonne) place au travail
Du grec, ergon (le travail), et nomos (la loi), l’ergonomie est d’abord une discipline scientifique qui consiste à étudier les conditions de travail et les relations entre l’être humain et la machine. C’est ensuite et surtout la mise en œuvre de solutions pour garantir le bien-être des personnes dans leur environnement professionnel, tout en favorisant leur performance. Baptiste Antoine explique: «La branche occidentale de l’ergonomie se base sur une analyse systémique des situations de travail. En substance, l'analyse vise à identifier les écarts entre le prescrit et le réel afin de donner les moyens aux collaboratrices et aux collaborateurs de faire un travail de qualité, tout en étant efficient et en prenant soin de leur santé.» Au sein d’Unisanté depuis 2021, Baptiste Antoine consacre 40% de son temps à l’État de Vaud. Sa mission, en plus de répondre à des sollicitations ponctuelles de la part des collaboratrices et collaborateurs: analyser et anticiper certaines problématiques dans divers métiers. Une approche collective de l’ergonomie qui est en train de prendre son essor à sa grande satisfaction: «En lien avec les correspondants Santé et sécurité au travail de différents services (13 demandes cette année), nous menons ainsi une approche préventive qui permet d’éviter bien des désagréments».
«Le mieux que l’on puisse faire, c’est l’analyse de l’activité. Comment travaille-t-on? Ne puis-je pas rationaliser ma démarche? Porter ce carton huit fois seulement au lieu de dix? Notre fonction est aussi de faciliter le travail, de diminuer les niveaux de sollicitation par endroits».
Agir sur plusieurs fronts
Plusieurs facteurs de risques peuvent favoriser l’apparition des troubles musculo-squelettiques: postures contraignantes, port de charges lourdes, rythme de travail intense, manque de pauses et de marges de manœuvre, état de santé dégradé, stress, etc. Selon Baptiste Antoine, les enjeux du futur dans les postes administratifs sont la démocratisation du flex-office ou des open-space qui soulèvent une foule d’enjeux comme les questions du bruit, de la lumière, de l’atmosphère et des aspects psychologiques qu’ils peuvent entraîner; «autant de critères qui méritent une analyse fine des besoins des collaboratrices et des collaborateurs. À cet égard, la rencontre et la discussion sont indispensables, comme lors des semaines Santé et Sécurité au Travail (lire ci-dessous): cela nous permet d’imaginer d’autres manières de travailler, plus agréables et donc, plus efficaces.» Éviter à des puéricultrices ou des puériculteurs de se baisser en permanence en inventant des interactions avec les enfants à hauteur d’adulte, diminuer les sollicitations du dos pour les cantonniers en cherchant un matériel plus léger: voici quelques exemples de résolutions permises par l’observation et la discussion, et qui passionnent Baptiste Antoine. «Le mieux que l’on puisse faire, c’est l’analyse de l’activité. Au-delà du matériel ou de la technique, comment travaille-t-on? Ne puis-je pas rationaliser ma démarche? Porter ce carton huit fois seulement au lieu de dix? Notre fonction est aussi de faciliter le travail, de diminuer les niveaux de sollicitation par endroits».
Le travail de bureau n’est de loin pas épargné
Selon Sonia Bastardo, chargée de projet à la Direction Qualité de vie au travail de la DGRH, «la généralisation du télétravail a aussi mis en lumière l’importance de l’ergonomie dans le cadre du travail de bureau». Outre la directive technique réglementant ces questions en interne, une nouvelle check-list interactive élaborée par Unisanté est disponible en ligne pour tous les collaborateurs et collaboratrices travaillant devant un écran (ci-dessous). C’est que certaines croyances ont encore la peau dure: «On pense par exemple, à tort, que le regard doit être au centre de l’écran. Or le regard doit en fait être descendant afin de ne pas solliciter les cervicales en extension», explique Baptiste Antoine. Et, comme le rappelle Sonia Bastardo, «les collaboratrices et collaborateurs doivent déculpabiliser de se lever pour faire des étirements ou aller boire un verre d’eau: c’est ça aussi, une bonne ergonomie». (EB)
Troubles musculosquelettiques: quelques exemples
(Exemples tirés de la brochure de SECO, éditée en 2023)
Les TMS sont un ensemble d’affections douloureuses et invalidantes touchant les tissus mous des articulations des membres et de la colonne vertébrale. Ces atteintes articulaires sont notamment dues à une hypersollicitation fréquemment d’origine professionnelle : les différentes structures articulaires (muscles, tendons, nerfs, etc.) sont fragilisées par des microlésions.
Syndrome du canal carpien: compression du nerf par suite d’inflammation des tendons passant dans le canal carpien (les os du poignet).
Épicondylite: inflammation du tendon des muscles de l’avant-bras s’insérant au niveau de l’épicondyle (coude).
Inflammation de la coiffe des rotateurs: inflammation des tendons des muscles de l’épaule
Lombalgie chronique: douleurs musculaires dans la région lombaire (bas du dos).
Bursite du genou: Inflammation de la bourse séreuse du genou.
Semaine de la santé et sécurité au travail: inscrivez-vous au parcours SST
Du lundi 29 avril au vendredi 3 mai 2024, participez à une semaine dédiée à la santé mentale et à l’inclusion pour toutes les collaboratrices et les collaborateurs du canton. Outre cinq conférences abordant des sujets variés, allant du burn-out à la gestion des menaces à l’inclusion des personnes, participez au nouveau parcours SST. Conçu comme un escape game, il vous mènera dans une situation de gestion du stress à l’identification de dangers potentiels, en passant par une simulation de situation de handicap ou une mise en pratique ergonomique.
Plus d’infos et inscriptions : www.vd.ch/sst
Nouveau: une check-list ergonomique pour votre poste de travail
Profitez de tester l’ergonomie de votre poste de travail en parcourant les quatre slides interactifs concoctés par Unisanté, en ligne depuis le mois de mars.
Car travailler confortablement n’est pas un luxe mais essentiel pour prévenir les troubles musculo-squelettiques, et ainsi améliorer sa santé physique et sa concentration.
Quelques rappels bienvenus :
- Bien positionner son corps : dos droit, sans creux au niveau des lombaires, pieds au sol et regard légèrement descendant
- Contrôler son matériel : régler son siège, centrer son écran, favoriser une lumière perpendiculaire, placer ses accessoires (souris, téléphone, etc.) à proximité et dans l’axe
- Faire des pauses régulières : regarder au loin, s’étirer, s’hydrater tout au long de la journée.