Pascal van Griethuysen, délégué aux affaires religieuses, défend la complémentarité des rôles entre l'Etat et les communautés religieuses. | Photo: BIC (FA)
Métier

Le rôle du délégué aux affaires religieuses

Docteur en économie évolutive venu tout droit de l’ONU, Pascal van Griethuysen est le délégué aux affaires religieuses du Canton de Vaud depuis septembre 2019. Zoom sur un métier de l’Etat pas comme les autres.

Pascal van Griethuysen, délégué aux affaires religieuses, défend la complémentarité des rôles entre l'Etat et les communautés religieuses. | Photo: BIC (FA)
3 minutes de lecturePublié le 30 mars 2021

Plus de 745 communautés religieuses composent le paysage religieux vaudois. Parmi celles-ci, l’Etat soutient les églises protestante et catholique reconnues comme institutions publiques et reconnaît la communauté israélite comme institution privée d’intérêt public, un statut qui peut être étendu, moyennant certaines conditions, à toute communauté religieuse qui en fait la demande. L’Etat soutenant des communautés religieuses a de quoi étonner. L’Etat de Vaud n’est-il pas sécularisé et de ce fait laïque, depuis la sortie de l’Eglise réformée de son giron, en 2003? Pourquoi donc soutenir les communautés religieuses ? La réponse se trouve dans la Constitution vaudoise qui précise que l’Etat prend en considération la contribution des Églises et des communautés religieuses au lien social et à la transmission de valeurs fondamentales et qu’il leur assure les moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission au service de tous dans le Canton.

Pour le délégué aux affaires religieuses, les rôles de l’Etat et des communautés religieuses sont distincts et complémentaires. « A mon sens, l’Etat est là pour assurer le bien-être général en veillant à ce que la population dans son ensemble bénéficie du meilleur accès possible aux biens et services matériels, sanitaires, éducatifs et culturels. A cette fin, il gère les conflits sociaux, garantit les droits et les devoirs des unes et des autres, assure le renouvellement des conditions matérielles de la société et le respect des conditions institutionnelles. Les communautés religieuses, elles, s’adressent à la dimension spirituelle des personnes, au sein de laquelle l’Etat n’a pas à s’immiscer. En plus de permettre aux personnes qui le souhaitent de vivre un cheminement personnel et spirituel, la communauté religieuse renforce le lien social.»

Une complémentarité entre Eglise et Etat

Si Eglise et Etat ont été si souvent opposés, le délégué n’est pas en faveur d’un Etat purement laïque, coupé des communautés religieuses qu’il peut abriter. «Pour moi, il y a une vraie complémentarité dans les rôles et les objectifs de chacun pour atteindre le bien commun. L’un complète l’autre. Ainsi, l’Etat garantit le cadre qui permet aux membres de la société de s’épanouir et de donner par eux-mêmes du sens à leur vie. En outre, le soutien cantonal permet aux communautés religieuses de renforcer leur aide à l’ensemble à la société.» Il prend à témoin le rôle qu’ont joué les communautés religieuses auprès de la population depuis le confinement de mars 2020. «Elles ont redoublé d’inventivité pour accompagner la population dans une période très difficile: distributions alimentaires, soutien des personnes endeuillées, cérémonies et prières en ligne, permanences téléphoniques, accompagnement spirituel. Toutes ces initiatives, encore d’actualité pour certaines, sont admirables.» Le coronavirus a fait ressortir l’importance du relais social qu’incarnent les communautés religieuses. L’Etat ne peut pas être partout, surtout dans la gestion d’une crise.

 

«Les communautés religieuses ont redoublé d’inventivité pour accompagner la population dans une période très difficile: distributions alimentaires, soutien des personnes endeuillées, cérémonies et prières en ligne, permanences téléphoniques, accompagnement spirituel. Toutes ces initiatives, encore d’actualité pour certaines, sont admirables.»

Pascal van GriethuysenDélégué aux affaires religieuses du Canton de Vaud

La reconnaissance comme institution d’intérêt public

Président de la Commission consultative en matière religieuse, le délégué est la cheville ouvrière de la reconnaissance d’intérêt public. Avec cette option constitutionnelle, l’Etat peut reconnaître les communautés religieuses vaudoises dont les pratiques respectent le cadre juridique et renforcent les valeurs d’une société plurielle. Dans ce contexte, le rôle du délégué est de gérer l’instruction des requêtes et de s’assurer qu’elles soient suffisamment solides pour être présentées au Grand Conseil, l’organe décisionnel en la matière. «C’est une longue démarche, souligne Pascal van Griethuysen, elle nécessite une base méthodologique solide. Tout, ou presque, est à créer.»

Les questions religieuses relevant de la compétence cantonale et non fédérale, le Canton de Vaud est le premier à mettre en place une procédure de reconnaissance. Cette procédure ouvre un dialogue entre le politique et le religieux. Comme le précise le délégué, « Les communautés religieuses ont la possibilité de devenir de vrais partenaires de l’Etat. La Constitution donne à l’Etat la possibilité de valoriser et d’encourager les communautés religieuses vaudoises dont les pratiques sont complètement en phase avec le cadre juridique et qui renforcent les valeurs éthiques d’une société plurielle. » Ainsi, pour que l’Etat reconnaisse une communauté, cette dernière doit d’abord reconnaître le rôle de l’Etat. Ainsi une communauté doit répondre à des conditions exigeantes, et démontrer une bonne maîtrise du français, des connaissances juridiques ainsi qu’une participation au dialogue interreligieux. Face à cela, et sachant que la reconnaissance ne conduit pas à un financement cantonal, l’enjeu peut paraître symbolique. Mais il est aussi très concret. «Une communauté reconnue peut notamment participer aux tâches d’aumônerie. Un imam pourrait se rendre dans un hôpital ou un établissement pénitentiaire à la demande d’un fidèle. C’est une prise en compte concrète de la diversité religieuse.»

Le délégué consacre l’équivalent de deux jours par semaine à l’instruction des demandes de reconnaissance. «Au départ, il n’y avait qu’une loi et un règlement, explique Pascal van Griethuysen. J’ai beaucoup œuvré pour développer une méthodologie et des outils d’évaluation pour assurer un traitement équitable et transparent des demandes.» Pour l’épauler, le délégué bénéficie du soutien d’une collaboratrice et d’un groupe d’experts dans le domaine religieux. Ces derniers sont regroupés au sein de la Commission consultative en matière religieuse.

Suivre les institutions de droit public

Le délégué dédie deux autres jours aux relations avec les Eglises de droit public. « Je dois notamment assurer le suivi financier des subventions cantonales aux Eglises, quelque 60 millions par an. Là aussi il me faut renouveler les critères d’évaluation et les instruments de suivi. » Cependant, ce travail ne vise pas seulement à s’assurer que l’argent est bien dépensé. Il s’agit aussi de mettre en valeur la contribution des églises et des communautés reconnues à la société dans son ensemble.

Monsieur cathédrale

Finalement, vendredi est le jour de « Monsieur Cathédrale ». Le délégué aux affaires religieuses encadre l’équipe d’intendance et préside la Commission d’utilisation de la Cathédrale de Lausanne. « Je suis un peu le gardien du Temple, de ce bien commun hors du commun, qui est à tous et pour tous. Je suis là pour assurer un cadre transparent et bienveillant à l’utilisation de cet espace magnifique en garantissant que les droits des uns respectent ceux des autres. » (MD)

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