Philippe Pont entre dans le Parlement.
Avant de partir, le directeur général des immeubles et du patrimoine revient sur la construction du Parlement: un chantier passionnant et difficile, mariant modernité et patrimoine. | BIC (FA)
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Philippe Pont, une carrière entre modernité et patrimoine

Après 22 ans au service de l’État, de son architecture, de son patrimoine immobilier et de sa logistique, le doyen des chefs de service, Philippe Pont, part à la retraite. Il a choisi de raconter les étapes clés de sa carrière en parcourant le Parlement vaudois, l’un des bâtiments emblématiques de sa vie professionnelle.

Avant de partir, le directeur général des immeubles et du patrimoine revient sur la construction du Parlement: un chantier passionnant et difficile, mariant modernité et patrimoine. | BIC (FA)
5-6 minutes de lecturePublié le 13 mai 2022

En franchissant le seuil du Parlement vaudois, Philippe Pont ne peut s’empêcher de repenser à la nuit du 14 mai 2002, quand le téléphone a sonné vers 2 heures du matin pour l’avertir que le bâtiment historique du Grand Conseil était en flammes. Cela ne faisait que deux ans qu’il dirigeait ce qui s’appelait encore le Service des gérances et des achats de l’État de Vaud.

« Cet incendie est resté durablement gravé dans ma mémoire. Comme j'avais eu la chance de pouvoir assister à quelques débats du Grand Conseil, dans l'ancienne salle, et de voir cette charpente tomber, ce patrimoine réduit en cendres, tout cela m’a fortement marqué, confie l’homme en montant les marches de l’imposant escalier de métal et de bois qui mène vers la nouvelle salle du Parlement. À sa droite défilent des vestiges moyenâgeux — du XIVe siècle — réapparus lors du chantier.

Un bâtiment, un symbole

« Après cet incendie, on avait assisté à un passionnant débat pour savoir s’il fallait tout raser pour construire du neuf, ou plutôt reconstruire sur les ruines », se remémore Philippe Pont. Finalement, l’État avait pris la décision de reconstruire le Parlement en préservant autant que possible les éléments qui avaient survécu aux flammes. « Ce fut un chantier aussi passionnant que difficile. Il a demandé un soin tout particulier, mais surtout il a fait appel à des artisans que l'on voit rarement sur nos projets, les professionnels de la restauration. On a découvert des murs anciens, on a mis à jour des fresques. On ne peut pas rester insensible à cela. Ce bâtiment représente à mes yeux tout un symbole, celui du mariage de la modernité et du patrimoine. Et symbole politique bien sûr : siège du pouvoir législatif, il a une âme, il a une vie et on le voit d’un peu partout… »


En poussant la porte de la grande salle du Parlement, Philippe Pont marque un temps d’arrêt : « Cette salle est exceptionnelle. J'ai eu la chance de pouvoir y présenter quelques rapports annuels à l'ensemble de mon service. C'était impressionnant. Se retrouver devant 150 personnes dans une salle aussi belle, avec une telle acoustique… Et cette vue sur le sud-ouest, sur les toits de la ville, je ne m’en lasse jamais. » La buvette du Grand Conseil est un autre espace dont Philippe Pont ne se lasse pas. Pour la diversité des matériaux qui l’habillent : « On y voit de la molasse, des briques en terre cuite encore façonnées à la main, et tout cela entrecoupé de matériaux contemporains. »

 

« Très souvent, j’ai le sentiment d'avoir eu la chance d'être au bon endroit au bon moment — notamment grâce à la bonne santé financière de l’État — et d’avoir pu piloter des projets qui resteront dans le temps. »

Philippe PontEx-directeur général de la DGIP

Au service des trois pouvoirs

À la veille de son départ à la retraite (il s’en ira le 30 juin), Philippe Pont est conscient d’avoir pu bénéficier d’une chance tout à fait exceptionnelle dans la carrière d’un grand commis de l’État : celle d’avoir pu conduire des projets majeurs qui touchent aux trois pouvoirs : la reconstruction du Parlement, la restauration centennale du château Saint-Maire. Et enfin, la pose de la première pierre de l’extension du Tribunal cantonal : « Très souvent, j’ai le sentiment d'avoir eu la chance d'être au bon endroit au bon moment — notamment grâce à la bonne santé financière de l’État — et d’avoir pu piloter des projets qui resteront dans le temps. »

Sans parler de leur diversité. Au moment de partir, Philippe Pont laissera 149 chantiers en cours ainsi qu’une multitude de projets. Pour un montant d’environ 170 millions de francs par année. « Nous pourrions en faire plus, l’argent est disponible, mais nous faisons face à de plus en plus d’oppositions. Et l’on prend vite du retard. Si nous prenons un cas concret, le Musée cantonal des Beaux-Arts devait être ouvert en 2016. Or, nous n’avons pu terminer le chantier qu’en 2019. Soit 36 mois de retard dus aux oppositions. »

La culture du concours

Si par le passé, la Direction générale des immeubles et du patrimoine (DGIP) se limitait au lancement d’un ou deux concours d’architecture par année, grâce à l’embellie financière, elle a pu les multiplier. « Nous avons pu en lancer entre quatre et six par année. Indéniablement, ils ont beaucoup changé l’image que l’on pouvait avoir des constructions publiques. Aussi parce que les concours lancés sur un plan international comprennent toujours quelques membres de jury venus d’ailleurs, avec d’autres visions, d’autres manières de faire, cela génère forcément des chocs culturels, un enrichissement de l’esprit. Et cela ne peut qu’accroître la qualité des bâtiments qui sortent de terre. »

Parmi les bâtiments emblématiques de cette période, Philippe Pont ne saurait trop exprimer ses préférences entre Vortex en forme de couronne géante — unique ! —, les trois musées (MCBA, Élysée et mudac) sur le site de Plateforme 10, le gymnase de Nyon, la Maison de l’Environnement ou encore plusieurs projets sur le campus, comme le Synathlon, l’extension de la bibliothèque ou le bâtiment des sciences de la vie : « Et puis il y a la future prison des Grands-Marais. Un concours exceptionnel qui nous a offert une nouvelle vision de l’univers carcéral. Un projet dont le budget est de 237 millions de francs. »

Sans parler de tous les autres chantiers. « À un moment donné, chaque mois, nous en étions à inaugurer un bâtiment ou poser une première pierre. Et nous y sommes arrivés dans le respect des délais et des budgets, se félicite Philippe Pont. Grâce un développement des outils informatiques qui permettent de meilleures planifications, mais aussi, et surtout, grâce aux quelque 520 collaboratrices et collaborateurs de la DGIP qui travaillent d’arrache-pied depuis plusieurs années sur tous ces beaux projets ». Le Canton de Vaud est désormais monté sur le podium des grands constructeurs de Suisse.

Après presque 22 ans de service, des journées s’étendant facilement sur douze heures, les séances de travail qui commence avant les premières lueurs de l’aube, à glisser d’un sujet à l’autre avec des dossiers pesant souvent des dizaines de millions de francs, Philippe Pont se réjouit de prendre enfin du temps pour lui, pour sa famille ou ses amis. Il gardera toutefois un pied « dans la maison », puisqu’il présidera le comité de pilotage de la restauration des arènes d’Avenches : « Avec l’âge, les architectes commencent à s’intéresser aux vieilles pierres. Avant, ils veulent avant tout construire, laisser une empreinte. » (DA)

En quelques chiffres


Valeur totale du patrimoine de l'État de Vaud (CHUV et UNIL compris) : 5,48 milliards ;

Valeur du parc immobilier de la DGIP : 3,13 milliards ;

L'État de Vaud (CHUV et UNIL compris) est propriétaire de 1272 bâtiments ;

Le parc immobilier de la DGIP comprend 1005 bâtiments ;

1694 objets/bâtiments classés (privés et publics) dans le canton de Vaud au 31 décembre 2019.

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