380 000 mails, chaque jour…
380'000 : le nombre d’e-mails quotidiens échangés au sein de l’administration cantonale soulève de vrais questionnements autour de la consommation énergétique de ce moyen de communication omniprésent (300 milliards de courriels s’échangent chaque jour au niveau mondial). Tour d’horizon avec quelques chiffres… et des conseils pour plus de frugalité numérique.
Apparu pour la toute première fois en 1965 à l’Institut américain de technologies du Massachusetts sous le nom du programme « Mailbox », puis développé dans les années 1970, l’e-mail s’est progressivement démocratisé au cœur des années 1990 sans faire de bruit ni de fumée, sans dégager d’odeurs ni consommer d’essence… Toutefois, la pollution de nos e-mails est tout sauf virtuelle. Le problème n’échappe d’ailleurs pas à la Direction générale du numérique et des systèmes d’information de l’État de Vaud (DGNSI), qui a déjà pris quelques mesures préventives, notamment la réduction de l’espace de stockage des boîtes aux lettres des collaboratrices et collaborateurs de l’Administration cantonale. Une préoccupation d’ailleurs relayée par le biais d’interpellations ou de postulats, qui traduisent l’inquiétude du Grand Conseil à ce sujet.
De très longs voyages…
Selon une estimation qui peut varier de quelques unités, mais qui reste toujours colossale, près de 300 milliards d’e-mails sont échangés chaque jour à travers le monde, ce qui représente grosso modo 200 millions d’e-mails par minute. Transitant par des dizaines de routeurs, d’ordinateurs et de serveurs pour rejoindre le datacenter qui abrite le fournisseur d’accès à internet de la personne à qui on l’adresse, un message électronique fait un long, très long voyage… Selon les estimations actuelles (et notamment celles du site futura-sciences), chaque e-mail parcourt en moyenne 15 000 kilomètres, même si son destinataire habite l’immeuble voisin.
À la lumière de ces chiffres, le sympathique smiley que l’on envoie à un ami pour le faire sourire, le « Merci et à bientôt ! » qui ponctue nos journées, ou le simple accusé de réception prennent une tout autre dimension… Sans compter les messages non lus et ceux qui n’ont plus aucune utilité et qui dorment au fond de notre boîte aux lettres. Stockés dans les datacenters, ces e-mails tombés dans l’oubli continuent eux aussi à consommer de l’énergie.
Un matériel énergivore
« En tenant compte de la fabrication et de l’utilisation des appareils nécessaires à son envoi et à sa réception, un message électronique consomme au total 4 g d’équivalent CO2 en moyenne, et encore bien davantage s’il est accompagné de pièces jointes volumineuses ou adressé à une foule de destinataires, souligne d’emblée Ludivine Epiney, chargée de missions à la DGNSI. C’est bien sûr le matériel qui génère la part importante de la pollution numérique.
« Éviter de changer de smartphone ou d’équipement informatique chaque année est donc une première démarche essentielle pour réduire notre empreinte carbone. »
Nos ordinateurs, tablettes, smartphones et autres routeurs sont gourmands en électricité, sans compter la consommation énergétique faramineuse nécessaire pour le fonctionnement, l’entretien et le refroidissement des millions de datacenters disséminés à travers le monde. Pour faire court et donner une image parlante de cette problématique, les professionnels de la branche tirent le parallèle suivant : « Si internet (toutes utilisations confondues) était un pays, il serait le troisième plus gros pollueur mondial après la Chine et les États-Unis. »
Les questions à se poser
Tout est affaire de bon sens… Mon message est-il vraiment utile ? Dois-je nécessairement mettre tous mes collègues en copie alors que mon information n’en concerne qu’une partie ? Une photo ou un plan apportent-ils vraiment quelque chose ? Ai-je vidé ma corbeille avec tous les éléments supprimés ? Après lecture, est-il indispensable de répondre ? Voilà le type de questions qu’il faut se poser intuitivement pour gérer raisonnablement sa boîte mail.
« Quatre étapes résument le cycle de vie d’un message électronique : l’écriture, le transport, la lecture et le stockage. Et chaque expéditeur ou destinataire endosse une responsabilité à chacune de ces étapes », argumente la chargée de missions à la Cellule numérique de la DGNSI. C’est donc bien une vision globale qu’il faut avoir. Pour atteindre une certaine sobriété numérique et diminuer sensiblement l’empreinte carbone de nos e-mails, quelques petits gestes peuvent avoir de réels effets.
Réduire son empreinte carbone
Nos échanges quotidiens de messages professionnels – grosso modo, entre 30 et 40 (et parfois bien davantage !) –, auxquels s’ajoutent nos mails privés, dans lesquels on n’hésite pas à envoyer nos dernières photos de vacances à nos nombreux amis peuvent représenter en une seule journée l’équivalent de la consommation en CO2 d’un trajet de plusieurs kilomètres en voiture à essence…
« Il est donc important de ne pas alourdir inutilement nos courriels, conseille Ludivine Epiney. Si de simples remerciements n’ont pas, en soi, un impact écologique alarmant et répondent aussi à des règles de politesse élémentaires, joindre une signature avec un logo – c’est-à-dire une image – et une mise en garde en couleur demandant de ne pas imprimer notre message (pour des raisons environnementales, justement !), cela peut représenter un impact plus important à terme qu’une feuille de papier et un peu d’encre ! »
Gare aux pièces jointes !
Même s’il est parfois fastidieux et chronophage, le nettoyage de nos boîtes aux lettres est lui aussi utile, et pas si pesant, si on le fait régulièrement. « Il importe surtout de ne pas stocker des pièces jointes lourdes et d’éviter autant que possible d’en envoyer tous azimuts… », souligne la chargée de missions.
Pierre-Yves Chavan, directeur Environnement de travail numérique à la DGNSI, renchérit : « Notre messagerie n’est pas un lieu d’archivage de dossiers, et pour les échanges de gros documents, il est fortement recommandé de privilégier des solutions de partage de fichiers (partage.vd pour l’usage professionnel des collaboratrices et collaborateurs de l’État ou, par exemple, swisstransfer.com pour un usage personnel), qui sont beaucoup moins énergivores. » Et le directeur d’ajouter : « Les messages à caractère professionnel ou important devraient être stockés dans un espace de gestion documentaire sécurisé et sauvegardé. Cela permet également de partager des fichiers via des liens hypertextes plutôt qu’avec des pièces jointes. Il faut savoir enfin que les messageries instantanées, comme Webex par exemple, sont beaucoup moins lourdes que les messageries traditionnelles. »
Gare aux newsletters !
« Si nous pouvons influer sur ce que l’on envoie, on oublie souvent qu’il est aussi possible d’agir sur ce que l’on reçoit ! C’est pourquoi il est également conseillé de se désabonner des newsletters qu’on ne lit plus, envoyées à des milliers de destinataires, qui encombrent nos boîtes mail », conclut Ludivine Epiney. (MHJ)
Pour en savoir plus:
Centre d’éducation permanente (CEP) : L’envoi d’un message électronique
Futura-sciences : Quelle est l’empreinte carbone d’un e-mail ?
Dolist : Les grandes dates de l’évolution des e-mails
Le Temps : e-mail, cloud, datacenter : des clics et du carbone
Les chiffres de l’État
La Direction générale du numérique et des systèmes d’information (DGNSI) nous livre les chiffres suivants :
- Le nombre de messages échangés au sein de l’administration cantonale est d’environ 380 000/jour pour une taille moyenne de 255 KB.
- En se basant sur une moyenne de 4 g d’équivalent CO2 par mail, on arrive à environ 1,5 tonne de CO2/jour pour le trafic de messagerie de l’État.
- Pour se faire une idée : 1 tonne d’équivalent CO2 correspond à : 3300 kilomètres en voiture à essence ou à un vol en avion entre Francfort et New York ou encore à 8800 gobelets de café (selon le site myclimate).
- Le nombre de mails externes reçus par jour sur les filtres antispam est d’environ 300 000, dont la moitié est bloquée (spams). Ces derniers ont tout de même parcouru de la distance et ont donc généré un équivalent CO2.
- La messagerie de l’État ne nécessite pas moins de 22 serveurs divers, 192 disques durs rien que pour le stockage des mails et plusieurs serveurs de filtrage dédiés, sans compter les routeurs et autres switchs, qui utilisent tous de l’électricité, ni bien sûr les ordinateurs et smartphones des utilisateurs.
Conseils utiles
- Réduisez la liste des destinataires au strict nécessaire.
- Désabonnez-vous de toutes les newsletters et abonnements inutiles.
- Préférez, lorsque c’est possible, le téléphone, les messageries instantanées ou le SMS à l’e-mail.
- Évitez les signatures lourdes avec couleurs, logos, photos ou autres mises en garde pour la protection de l’environnement, par exemple.
- Privilégiez des solutions de partage de fichiers (partage.vd pour l’usage professionnel des collaboratrices et collaborateurs de l’État ou, par exemple, swisstransfer.com pour un usage personnel).
- Évitez de répondre aux mails avec la pièce jointe d’origine et évitez aussi autant que possible de « Répondre à tous ».
- Triez régulièrement votre boîte mail et éliminez tous les messages inutiles. Faites également le ménage régulièrement dans les « Éléments envoyés ». On a tendance à oublier ce dossier.
- Supprimez immédiatement un mail traité. Cela vous permet de limiter le ménage par la suite !
- Videz régulièrement votre corbeille.