Illustration: une femme enceinte assise sur un gros ballon "Gym ball", devant un bureau où se trouvent un ordinateur et un chat.
La nouvelle directive est adaptée aux particularités de l’administration où l’on dénombre 600 grossesses par an en moyenne. | Illustration : Kaysl, pour le SPEV
Santé et sécurité au travail

Directive maternité : une nouvelle née !

L’administration cantonale vaudoise s’est dotée au printemps d’une directive «Protection de la santé des collaboratrices enceintes et qui allaitent». Développée sous la houlette de l’Unité sécurité et santé au travail (USST) du Service du personnel (SPEV), elle est entrée en vigueur le 1er avril.

La nouvelle directive est adaptée aux particularités de l’administration où l’on dénombre 600 grossesses par an en moyenne. | Illustration : Kaysl, pour le SPEV
7-8 minutes de lecturePublié le 13 mai 2022

Certaines gestations sont plus longues que d’autres. Si la loi fédérale sur l’assurance-maternité a été votée en 1998, il a fallu attendre 2001 pour qu’entre en vigueur la première version de l’ordonnance sur la protection de la maternité (différentes mises à jour avec une modification d’importance en 2015), qui règlemente les activités dangereuses ou pénibles au travail. Il a aussi fallu attendre 2004 et une application en 2006, pour la mise en œuvre du congé maternité payé sur le plan fédéral, et 2021 pour le congé paternité indemnisé. On peut dire qu’il était temps. Car sur les quelque 2,3 millions de travailleuses que compte notre pays, un million est en en âge de procréer et l’on recense environ 90 000 naissances par an chez les femmes actives.

Antonino Trovato a rejoint l’USST il y a six mois en qualité d’ingénieur spécialiste en sécurité et santé au travail. Une de ses premières missions ? Finaliser la directive maternité de l’administration cantonale, dont le projet était dans l’œuf depuis deux ans. « L’ordonnance fédérale sur les activités dangereuses ou pénibles en cas de grossesse et de maternité (OProMa) date de 2015 : l’administration ­– où l’on dénombre 600 grossesses par an en moyenne – se devait d’avoir un outil propre, adapté à ses particularités », résume Antonino Trovato. Même si des mesures de protection générales et de précaution s’appliquent déjà (ndlr : comme le temps consacré à l’allaitement, l’allègement des tâches en cas d’activité debout ou nocturne, la possibilité de repos, etc.), il existe des cas de figure qui peuvent être complexes, et il fallait dès lors donner des moyens d’action cohérents aux différents services afin de pouvoir protéger la santé des femmes enceintes ou allaitantes et celle de l’enfant à naître ».

«... l’administration ­– où l’on dénombre 600 grossesses par an en moyenne – se devait d’avoir un outil propre, adapté à ses particularités »

Antonino TrovatoIngénieur spécialiste en sécurité et santé au travail au Service du personnel

Une mécanique d’analyse du risque bien huilée

Fruit d’une collaboration intelligente en interne – entre les ressources humaines des différents départements, les partenaires sociaux et le service juridique du SPEV – et élaborée en relation étroite avec les spécialistes et médecins du travail du Département santé au travail et environnement d’Unisanté, la directive maternité est avant tout un outil de gestion, calqué sur la base légale de l’OProMa.

Depuis le 1er avril 2022, la ou le responsable (personne supérieure hiérarchique, référente RH ou correspondante SST) est tenu de réaliser une analyse du poste de travail: soit à sa création, soit à la faveur d’une annonce de grossesse si le poste n’a pas encore été analysé. Afin d’effectuer ce travail, il s’appuiera sur la nouvelle directive « Protection de la santé des collaboratrices enceintes et qui allaitent » comprenant des liens vers des documents et des textes de référence, et complétée d’une check-list d’identification des dangers élaborée par les professionnels d’Unisanté (voir encadré).

« Souvent, pour les postes de travail administratifs, une analyse systématique n’est pas nécessaire – cette typologie de poste étant considérée sans dangers particuliers, explique Antonino Trovato. En revanche dans d’autres domaines, comme dans un laboratoire d’analyse, les dangers peuvent être liés à l’utilisation de produits chimiques, biologiques, les bruits, le fait de porter des charges… » L’autorité d’engagement doit dès lors absolument s’enquérir des dangers particuliers et dans ce cas un « mécanisme d’analyse du risque se met en route ».

Premier cas de figure : aucun danger au sens de l’OProMa n’est identifié pour le poste analysé. À l’annonce de sa grossesse, ou de son projet de grossesse, la personne responsable doit donc simplement transmettre à sa collaboratrice les informations nécessaires en lui remettant le « flyer grossesse et travail » (encadré).

Un danger présumé ? C’est le deuxième cas de figure. Si le poste a été analysé, la collaboratrice en est bien sûr informée à l’engagement et est sensibilisée au fait qu’elle doit prévenir son ou sa responsable d’une grossesse le plus tôt possible afin de mettre en place des mesures de protection précoces. Si le poste n’a pas été analysé, la personne responsable remplit la check-list avec la collaboratrice dès l’annonce de sa grossesse : si la présomption de danger est confirmée, une analyse de risques est commanditée à une ou un médecin du travail d’Unisanté et des mesures de protection seront appliquées en fonction du résultat. Par ordre de priorité : suppression simple et nette des activités dangereuses et/ou pénibles dans le poste actuel ; transfert sur un poste équivalent dépourvu de danger ; libération de l’obligation de travailler et versement de 80% du salaire.

«Souvent, pour les postes de travail administratifs, une analyse systématique n’est pas nécessaire – cette typologie de poste étant considérée sans dangers particuliers. En revanche dans d’autres domaines, comme dans un laboratoire d’analyse, les dangers peuvent être liés à l’utilisation de produits chimiques, biologiques, les bruits, le fait de porter des charges… L’autorité d’engagement doit dès lors absolument s’enquérir des dangers particuliers et dans ce cas un «mécanisme d’analyse du risque se met en route ».

Antonino TrovatoIngénieur spécialiste en sécurité et santé au travail au Service du personnel

Du bon sens avant tout

« Il n’a pas été envisageable de déterminer au préalable des postes à risque, car il existe une variété impressionnante de cahiers des charges et de métiers différents à l’administration cantonale… Même si nous pouvons supposer qu’il y a des postes pour lesquels il existe des dangers évidents, comme dans les laboratoires ou les travaux en plein air. Citons l’exemple d’une cantonnière qui va être confrontée à toutes sortes de dangers comme le port de charges, les contacts biologiques à travers l’exposition aux piqures de tiques, les déplacements… »

Selon Antonino Trovato, quoi qu’il en soit, plus tôt l’annonce est faite, plus vite il est possible de démarrer le processus d’analyse. Difficile d’imaginer annoncer qu’on est enceinte à sa ou son responsable avant les trois mois fatidiques ? « C’est pourtant ce qui devrait se faire, dès la présomption de grossesse – l’employeur étant évidemment tenu de garder la confidentialité. »

Comme il le rappelle encore, l’OProMa sur laquelle la directive est calquée vise avant tout deux choses : la protection de la femme enceinte et allaitante et le fait de ne pas l’empêcher de travailler. « On la protège et on fait en sorte qu’elle puisse continuer à exercer son travail – et à le reprendre – dans de bonnes conditions ». Et d’en appeler au bon sens et à la responsabilité individuelle : « Les femmes doivent prendre conscience que les dangers existent aussi dans le monde extraprofessionnel et que ce qu’elles ne doivent pas faire au travail, elles ne doivent pas non plus le faire chez elles. Pour son bien-être et la protection du futur bébé, il faut avoir les mêmes comportements dans sa vie privée et dans sa vie professionnelle. » Simplement de bons conseils pour les futures mères, qu’elles soient gardienne de prison, cantonnière, laborantine, secrétaire ou cheffe de service. (EB)

Protection de la maternité : check-list d’identification des dangers

Déplacement de charges lourdes, tâches imposant des mouvements ou des postures engendrant une fatigue précoce, travaux impliquant l’impact de chocs, de secousses ou de vibrations, exposition au bruit, contraintes thermiques, radiations nocives, substances chimiques, micro-organisme nocifs… Moins poétique que la liste de naissance, la check-list d’identification des dangers OPrOma n’en demeure pas moins une étape cruciale pour les futures mères collaboratrices à l’État de Vaud.
Élaborée par des professionnels d’Unisanté, en collaboration le SPEV, cette check-list qui accompagne la directive maternité vise à évaluer les activités professionnelles au sein de l’administration cantonale en fonction de leur caractère pénible ou dangereux au sens de de l’Ordonnance de protection de la maternité (OProMa). Destinée à l’autorité d’engagement, elle doit être complétée soit lors de la création de poste (démarche préventive) soit à l’annonce d’un projet de maternité ou d’une grossesse (démarche réactive), avec la salariée concernée. Le résultat à ce questionnaire oriente la mise en application des mesures de protection de la maternité selon la toute nouvelle directive.

Le saviez-vous ?

  • À partir du septième mois de grossesse, les femmes enceintes ne doivent plus manipuler de charges supérieures à 5 kg.
  • On considère que le niveau d’exposition au bruit reste inférieur à 85 dB (A) si la communication à voix normale entre collègues situés à 1 mètre de distance est aisée et s’il n’existe pas d’événement acoustique intense (chocs métalliques, détente d’air comprimé, alarmes à fort niveau, etc.).
  • Travailler par des températures ambiantes inférieures à -5 °C ou supérieures à 28 °C ou par forte humidité n’est pas autorisé pour une femme enceinte.

Un flyer pour toutes les futures mères

En parallèle à la Directive Maternité, le service juridique du SPEV a fait réaliser un flyer de quatre pages intitulé « Vos droits en matière de maternité et d’allaitement sur le lieu de travail » distribué lors de chaque nouvelle annonce de grossesse depuis le mois de février. Laure Wenger, juriste qui a œuvré à sa rédaction, explique : « Si la plupart des services communiquaient déjà à l’interne à ce sujet – et avaient l’habitude d’honorer des demandes d’allaitement au travail en mettant à disposition un local propre et fermé – ce flyer très synthétique est destiné à toutes les collaboratrices de l’État de Vaud. Avec de courts chapitres sur leurs droits en matière de congé maternité et parental, congé allaitement, reprise et allaitement au travail, l’idée est de les aider à se projeter et à planifier les choses dès le début de leur grossesse : « qu’elles puissent mener de front, avec le plus de sérénité possible, leur projet familial et professionnel.»

Visualisez le flyer

Vers une société plus égalitaire

De son côté, le Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes a mis en ligne en mars dernier une FAQ de 58 questions-réponses pour permettre aux travailleuses et travailleurs, aux mères et pères, de renforcer la connaissance de leurs droits dans la sphère du travail rémunéré en général. Réalisée par Christine Sattiva Spring, avocate, spécialiste FSA droit du travail et chargée de cours sur la loi fédérale sur l’égalité entre les femmes et les hommes à l’Université de Lausanne, la FAQ est construite autour des différentes étapes du parcours de vie professionnelle des futurs parents : avant l’engagement, pendant le temps d’essai, au cours de l’emploi pendant la grossesse, pendant le congé de maternité, après le congé de maternité, sur le congé de paternité, autour du salaire et des vacances. Un complément bienvenu et disponible en libre accès sur le site internet de l’Etat de Vaud : www.vd.ch/faq-travail-parentalité

Chaque mois

Chaque mois, La Gazette explore un aspect de la santé et de la sécurité au travail, assurées à l’Etat de Vaud par l’Unité santé et sécurité au travail (USST): une cellule de dix personnes au sein du Service du personnel de l’État de Vaud qui veille sur près de 30 000 collaboratrices et collaborateurs.

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