Une exposition invite à repenser la figure du héros
À l’occasion des 300 ans de la mort du Major Davel, diverses activités et événements sont proposés dans le canton tout au long de l’année, dont une exposition participative itinérante produite par plusieurs services de l’État de Vaud.
Parmi les temps forts de cette année Davel (programme sur www.vd.ch/davel), une exposition vient d’être dévoilée publiquement le 24 janvier aux Archives cantonales vaudoises (ACV). L’exposition «Davel ou la vocation citoyenne» invite à explorer l’histoire du Major Davel sous l’angle de la construction de la figure du citoyen et à mettre en relation les thématiques qu’il a défendues – justice sociale, éducation, indépendance des autorités cantonales, rapport au fédéralisme, etc. – avec notre époque.
Un nouvel éclairage
Conçue sur un mode participatif et itinérant, cette exposition est également destinée aux étudiantes et étudiants de 14 sites de gymnases vaudois où elle sera présentée ce printemps comme support d’enseignement. Livrée sous forme de kits, avec des panneaux interactifs, l’exposition n’est pas conventionnelle: ni par sa forme, puisque ce ne sont pas les classes qui vont au musée, mais le musée qui va dans les classes, ni par sa démarche, car il ne n’agit pas ici de montrer et de transmettre, mais plutôt d’interroger et de proposer des notions à l’appropriation de chacun. Ni par son propos enfin, qui déconstruit la figure du héros pour en proposer une autre, peut-être plus complexe, moins archétypale, mais mieux accordée à notre temps. «Ce tricentenaire apporte un nouvel éclairage et un nouveau regard sur Davel, explique François Falconet, directeur adjoint des Archives cantonales vaudoises et membre du comité de pilotage de l’exposition. On a découvert des documents et pu croiser des sources qui ont donné plus de profondeur à un personnage historique fascinant».
L’exposition déconstruit la figure du héros pour en proposer une autre, peut-être plus complexe, moins archétypale, mais mieux accordée à notre temps.
En effet, Davel, héros, traître, insoumis ou personnalité exaltée ? Ça n’est pas à l’Histoire de trancher, même si c’est elle qui s’est chargée de mettre un terme à l’insurrection avérée de la figure identitaire vaudoise, il y a 300 ans. Ce que nous montre ce projet pédagogique original, selon les mots de Lionel Pernet, directeur du Musée cantonal d’archéologie et d’histoire, également membre du comité de pilotage, c’est «la fabrique de l’Histoire». «Les sources historiques et les objets ne sont pas assez nombreux pour envisager une exposition classique, nous dit-il. En revanche, la construction de la figure de ce héros posthume à des fins politiques et identitaires constitue un aspect particulièrement riche à étudier et un thème qui invite à interroger toutes sortes de notions, historiographiques, sociales, politiques, philosophiques, et même muséographiques.»
« La construction de la figure de ce héros posthume à des fins politiques et identitaires constitue un aspect particulièrement riche à étudier. »
S’approprier l’Histoire
Davel a donc constitué un sujet idéal pour un premier projet lancé par le Laboratoire Histoire et Cité. Ce programme collectif de médiation des sciences historiques est issu de la collaboration entre les commissaires Angela Benza et Vincent Jaton, les ACV, le Musée cantonal d’archéologie et d’histoire (MCAH), la Direction générale de l’enseignement postobligatoire (DGEP) et l’UNIL, avec le soutien de l’État de Vaud. Dominique Dirlewanger, professeur d’histoire et membre de ce collectif souligne l’ambition horizontale de la démarche. «L’Histoire est publique, rappelle-t-il. Elle appartient à tous. Et c’est sur ce plan que cette exposition prend son importance pédagogiquement».
Le professeur Dominique Dirlewanger, le directeur du MCAH Lionel Pernet et François Falconet, des Archives cantonales, ont piloté la mise sur pied de l’exposition « Davel ou la vocation citoyenne ». Image I ARC Jean-Bernard SieberFaire dialoguer le passé et le présent
En six panneaux, l’exposition permet aux participants de se mettre en situation et d’acquérir facilement les repères historiques, visuels et terminologiques. On y découvre, notamment, une copie du Manifeste du Major Davel mettant en exergue les éléments clés de ses revendications. Avec une reproduction du tableau de Charles Gleyre représentant l’exécution du Major Davel, on apprend que le visage du Major est inspiré de celui de l’écrivain Juste Olivier, ami du peintre. Car aucun portrait n’existe de notre révolutionnaire. Le concept participatif propose également des activités qui invitent à investir le parcours de Davel et à faire des liens avec notre époque actuelle. Les élèves pourront ainsi, à choix, s’interroger sur les limites de la désobéissance civile, faire des liens avec des figures contemporaines de l’engagement civique, comme Greta Thunberg, ou rejouer les dernières heures du condamné par l’improvisation théâtrale. Les élèves sont également invités à adresser, sous la forme de leur choix, une «Lettre à mon Canton» inspirée du Manifeste de Davel. Ces documents seront collectés par les Archives cantonales vaudoises. (LKL)
Site de l’exposition : https://wp.unil.ch/davel2023/
L’exposition se tiendra jusqu’au 31 août 2023 aux Archives cantonales vaudoises (rte de la Mouline 32, Chavannes-Renens, métro UNIL-Mouline). Des visites guidées sont proposées au public et ouvertes aux groupes sur demande (info.acv@vd.ch)
Découvrez l'exposition !
Interviews de François Falconet, directeur adjoint des Archives cantonales vaudoises, Dominique Dirlewanger, président de la conférence cantonale des chefs et cheffes de file d'histoire du canton de Vaud et Lionel Pernet, Musée cantonal d'archéologie et d'histoire
Retracez le destin du héros vaudois sur Instagram
À l’occasion du tricentenaire de la mort de Davel, un feuilleton en bande dessinée de 5 épisodes retrace le destin de cette figure historique vaudoise. Avec les dessins de Jehan Khodl, un jeune illustrateur suisse.
À suivre sur @etat_de_vaud
Le Major Davel : de la trahison aux honneurs
Depuis le milieu du 19e siècle, celui que l’on appelle communément le Major Davel, est le héros de l’indépendance vaudoise. Il n’en a pourtant pas toujours été ainsi, et son acte de désobéissance, envers les autorités bernoises qui tiennent le canton de Vaud sous leur domination, lui a valu d’être exécuté il y a 300 ans.
Jean Daniel Abraham Davel est né en 1670 à Morrens. D’abord notaire à Cully, il embrasse une carrière militaire glorieuse. En 1712, il se distingue à la tête des milices vaudoises, lors des conflits entre protestants et catholiques, et se voit nommé major de l’un des quatre départements militaires du Pays de Vaud par Berne en 1717. Malgré cette reconnaissance des autorités, le 31 mars 1723, il réunit 600 soldats et marche sur Lausanne afin de « décharger (les Bernois) de la domination du Pays de Vaud ». Il présente auprès des autorités lausannoises un manifeste qui dénonce les abus du gouvernement de Berne. Mais, trahi par le Conseil municipal, il est arrêté le 1er avril, torturé puis exécuté publiquement à Vidy le 24 avril. Les Vaudois proclameront leur indépendance à peine 75 ans plus tard, le 24 janvier 1798. (LKL)
Le Major Davel en quelques dates
1670 : Naissance de Jean Daniel Abraham Davel à Morrens.
1688 : Il devient notaire à Cully
1692 : Il embrasse une carrière militaire
1712 : Il se distingue par son courage lors la seconde Guerre de Villmergen (Argovie)
1717 : Le Conseil de guerre promeut Davel au grade de Major de l’un des quatre départements militaires du Pays de Vaud
31 mars 1723 : Davel marche sur Lausanne avec 600 militaires.
1er avril 1723 : Davel est arrêté sur ordre du Conseil de Lausanne.
17 avril 1723 : À la suite d’un jugement, Davel est condamné à mort.
24 avril 1723 : Il est exécuté à Vidy.
