L’histoire du très redouté «bug de l’an 2000»
Un cataclysme. C’est ce que beaucoup annonçaient à la veille du passage à l’an 2000, notamment dans le domaine informatique. Il n’en a pourtant rien été. Ouf! On s’est fait peur. Aujourd’hui cependant, les craintes liées au monde informatique perdurent, mais à un autre niveau.
Lorsqu’on repense à la fin des années 1990, impossible de ne pas se remémorer les différentes peurs générées par le passage à l’an 2000. Côté informatique, certaines prédictions prévoyaient un grand bug, imputable à l’ancienneté de certains composants et qui aurait pu conduire à l’effondrement des systèmes pilotant des fonctions essentielles (installations électriques ou hydrauliques par exemple.)
Et pourtant, force est de constater que les systèmes fonctionnent encore, et qu’en réalité, il ne s’est alors rien passé. Strictement rien. Même si différents dispositifs avaient été mis en place pour s’assurer de la bonne marche de l’informatique. Ce fut le cas à l’État de Vaud, contraignant un certain nombre de collaboratrices et de collaborateurs à célébrer le changement de millénaire devant leur ordinateur.
Dans les faits
Très loin des fantaisies cataclysmiques, des craintes étaient en réalité bien présentes, pour des raisons de conception des systèmes informatiques bien identifiées, comme le relatait la Gazette dans son édition de janvier 2000*. En somme, le format de l’année dans les composants informatiques «embarqués» ou les mémoires des plus anciens ordinateurs était à deux chiffres, 74 pour 1974 ou 87 pour 1987. Autrement dit, il fallait s’assurer que le passage à l’an 2000 ne soit pas interprété par les machines comme un retour à l’année 1900.
Déjà actif dans le domaine informatique (même s’il n’était pas encore employé de l’État), Hervé De Nicola, aujourd’hui directeur Produits & services métiers à la Direction générale du numérique et des systèmes d’information (DGNSI), relativise. Pour lui, les craintes étaient davantage liées à la masse de travail imposée par la mise à niveau des outils, la transition d’un système programmé sur deux chiffres, pour que le passage à l’année suivante se fasse sans heurts numériques. Pas vraiment de quoi fouetter une souris d’ordinateur donc, même s’il a fallu cravacher. L’informatique ne connaîtrait-elle donc aucune peur? Loin de là.
Les craintes dans le domaine informatique sont aujourd’hui plus grandes qu'en 2000. À commencer par les cyberattaques, qui pourraient conduire à une paralysie de l’État.
Questionnements et craintes
Les craintes sont en réalité bien présentes, côté numérique. Et comme l’indique Hervé De Nicola, la question du passage à l’an 2000 a aussi été source d’enseignements. «Cela nous a par exemple montré que dans ce domaine, il faut toujours essayer d’anticiper les besoins sur le long terme. Notamment pour des entreprises de grande envergure, dont font aussi partie les États.» Sommes-nous donc à l’abri? Les informaticiens ont pour le moins retenu la leçon. Ce qui ne les empêche pas de parler de peur. Mais pas vraiment en termes de systèmes. «Les craintes dans le domaine informatique sont aujourd’hui plus grandes. Mais elles se situent à d’autres niveaux. À commencer par les cyberattaques, pour lesquelles nous devons nous assurer que personne ne soit en mesure de faire tomber les systèmes, ce qui conduirait à une paralysie de l’État». Un champ qui s’étend aussi à la protection des données que traitent et emmagasinent les services de l’État.
Autre enjeu de taille : éviter la perte de souveraineté sur les données et sur les programmes. «Tout le monde est conscient que nous sommes tous en peu dépendants des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), aussi bien au travail que dans la sphère privée. Ce qui génère des craintes en termes de souveraineté», souligne Hervé De Nicola.
Enfin, pour la DGNSI et plus largement l’État de Vaud, qui doit s’assurer de l’accessibilité de ses services par tout citoyen, la fracture numérique est le troisième grand enjeu dont il faut se soucier. «Il y a toujours plus d’éléments en ligne. Mais nous ne pouvons pas nous permettre de laisser qui que ce soit sur le carreau parce qu’une personne ne maîtriserait pas les outils informatiques, ou une personne aveugle ou malvoyante par exemple. Si quelqu’un doit se rendre physiquement auprès d’un guichet, l’État doit garantir que cette personne obtiendra les informations ou les documents dont elle a besoin», conclut Hervé De Nicola. (DT)