Vaste pièce dans laquelle plusieurs grands bureaux sont disposés devant un mur d'écran
Tous les appels d'urgence passés dans le canton aboutissent désormais à l'Alarm receiving center sur le site de la Grangette, à Lausanne. | Photo | ARC
Ça déménage

Les centrales d'urgence réunies

Le nouveau siège ultramoderne de l’ECA s’impose comme le centre névralgique de la gestion de l’urgence du canton de Vaud. En son cœur, l’alarm receiving center (ARC), centre unique en Suisse, regroupe toutes les centrales d’urgences vaudoises ainsi que le poste de commandement de l’État-major cantonal de conduite (EMCC). Du sauvetage d’un cygne sur l’autoroute à la crise la plus extrême, cette infrastructure doit pouvoir répondre aux défis sécuritaires quotidiens comme aux événements majeurs.

Tous les appels d'urgence passés dans le canton aboutissent désormais à l'Alarm receiving center sur le site de la Grangette, à Lausanne. | Photo | ARC
10 minutes de lecturePublié le 01 févr. 2024

Situé en contrebas de l’aérodrome de la Blécherette et bordé par le parc et la forêt du Désert, le bâtiment aux façades vitrées et aux espaces intérieurs volumineux tranche complètement avec la vision sécuritaire dictée par un contexte de guerre froide, qui supposait d’enterrer les centrales d’urgence dans des abris bétonnés, comme l’étaient les anciens locaux de la Centrale vaudoise de police (CVP) à la Blécherette. L’alarm receiving center (ARC) dispose pourtant des plus hautes normes européennes en termes de sécurité, de techniques et de suivi. A l'intérieur, un premier portail de sécurité permet de passer des parties publiques, consacrées à l’ECA, à une section de bureaux occupés par la Fondation urgences santé (FUS), la police et l’EMCC. Puis, au sous-sol, un deuxième sas donne accès au cœur du bâtiment où ont été réunies les centrales d’urgence des numéros 117, 118, 144, et des médecins de garde (CTMG), ainsi que la future centrale de Gestion coordonnée du trafic d’agglomération Lausanne-Morges (GCTA). Les centrales sont disposées dans un vaste espace, autour d’un patio central qui offre une lumière naturelle et un espace de repos et de restauration mutualisés et réservés exclusivement aux collaboratrices et collaborateurs.

Plusieurs personnes devant des bureaux possédant du matériel technologique de pointe dont trois écrans incurvésLe personnel de l'ARC dispose d'un matériel à la pointe et d'espaces mutualisés pour échanger et collaborer. | Photo | Jean-Bernard Sieber

La plupart des centrales n’ont emménagé que depuis quelques semaines dans ce nouvel environnement. Les premiers retours sont très positifs, même si un temps d’adaptation est nécessaire : «Les locaux sont agréables, c’est un bel endroit, commente Mélanie Besançon, régulatrice à la CTMG. «L’acoustique est particulièrement soignée alors que nous sommes nombreux dans de grandes pièces. Je trouve très intéressant de rencontrer les partenaires et de ne plus seulement les entendre par téléphone. Nous pouvons échanger sur les particularités de chaque métier». Aurélie Charlin Leclerc, cadre d’équipe et formatrice, rejoint sa collègue: «Effectivement, c’est une petite révolution au niveau de l’insonorisation. Tout est neuf aussi, ce qui contraste avec nos locaux précédents. Nous avons été très bien accueillis par l’équipe ECA, que ce soit au niveau de la restauration ou des locaux mis à disposition pour la formation. La proximité des partenaires est vraiment un plus pour la formation, elle permet à chacun de comprendre le travail de l’autre». Des constats qui semblent partagés par la majorité du personnel de l’ARC et témoignent d’un résultat très satisfaisant pour les autorités, ainsi que tous les acteurs de la santé, de la sécurité et de l’ECA, mobilisés sur ce projet de longue haleine.

Projet ECAvenir, une réalisation en étapes

Denis Froidevaux, chef de l’État-major cantonal de conduite et président du comité stratégique d’ECAvenir, raconte les différentes étapes du projet : «Voici une dizaine d’années, le Conseil d’État a souhaité renforcer la réponse à l’urgence, car les centrales vaudoises, qui gèrent près d’un million d’appels par année, se trouvaient dans des locaux inadaptés aux nouvelles réalités de leurs métiers, comme les collaborations toujours plus étroites entre partenaires feux bleus et le besoin de modernisation en termes de sécurité et de matériel technique, sans parler des normes de santé-sécurité au travail. En parallèle, il y avait une volonté interne de l’ECA de construire un nouveau siège réunissant tous leurs services, dont la centrale d’urgence des pompiers (CTA, 118). Rapidement, le monde sanitaire, désireux de mettre à niveau ses propres centrales d’appels (144 et CTMG), s’est greffé au projet.» Le responsable décrit ce moment comme un tournant: «Cette première convergence est intervenue en 2012 et a ouvert la voie à des réflexions plus larges sur le regroupement total des métiers de l’urgence en un seul lieu. Par la suite, en 2014, la police cantonale et l’État-major cantonal de conduite (EMCC) prennent le train en marche et ajoutent respectivement la centrale d’urgence 117 et les structures de gestion de crise, comme le tactical operation center». Enfin, la Protection civile vaudoise et un nouveau système de contrôle du réseau routier régional (GCTA), représentant 27 communes qui ont délégué cette compétence à la DGMR, rejoignent le projet.

«Tout l’enjeu était de trouver la solution pour réunir sous un même toit trois entités juridiques, l’ECA, la FUS et le Canton, et des corps de métiers liés, mais possédant des cultures de travail différentes».

Denis FroidevauxChef de l'EMCC et Président du comité stratégique d'ECAvenir
deux hommes souriant devant une table avec derrière eux des écransDenis Froidevaux, chef de l'EMCC et Yves Kohler, secrétaire général de l'ARC, se réjouissent de la mise en route du centre. | Photo | Jean-Bernard Sieber

«Ce projet a pris du temps et demandé de nombreuses discussions, la période Covid a également amené son lot de contre temps, notamment au niveau du chantier et des livraisons de matériel. Aujourd’hui, je crois que l’on peut affirmer que cette nouvelle infrastructure est une grande réussite» se réjouit Denis Froidevaux. Elle apportera une réelle plus-value à la population et permettra de faire face aux enjeux à venir, comme l’augmentation constante des appels, le vieillissement de la population, les besoins croissants en mobilité, etc.

Faire front ensemble face à l’urgence

Un projet d’une telle ampleur, unique en Suisse et qui intéresse même certains grands États européens, se doit de posséder une réelle plus-value. Alors, justement, que gagnent les citoyens vaudois avec ce nouveau centre dédié à la gestion de l’urgence ? Yves Kohler, nouveau secrétaire général de l’ARC : «Notre but est d’améliorer la réponse coordonnée à l’urgence en mettant l’accent sur l’intelligence collective. On observe déjà des synergies se créer entre régulatrices et régulateurs des différentes centrales. L’environnement de travail est beaucoup plus vaste et doté de matériel hypermoderne offrant beaucoup plus d’outils d’échanges automatisés. L’ARC a un potentiel énorme, tout y est réuni pour augmenter notre efficience et notre réactivité dans le secours à la population. De plus, le centre possède les plus hautes garanties en termes de cybersécurité. Sur ce point, il faut saluer le rôle central joué par la DGNSI» (voir encadré).

Un grand bâtiment vitré de forme rectangulaireLe nouveau siège entièrement vitré et hautement sécurisé de l'ECA. | Photo | ARC

D’autres bénéfices sont mis en avant par Jean-Christophe Sauterel qui, par sa double casquette de directeur de la communication pour la police cantonale et l’EMCC, a été intégré dans la mise en œuvre du projet : «On a désormais un seul endroit où sont gérés la réception des appels et l’engagement des moyens pour tous les partenaires, avec une possibilité de montée en puissance beaucoup plus facile et rapide en cas de situation grave. Les outils informatiques sont mutualisés, tout le monde parle le même langage et acquiert une vue d’ensemble des événements sur l’entièreté du canton. Au-delà des locaux, l’idée est de créer une nouvelle dynamique par la réunion physique des professions de l’urgence d’une part, et l’uniformisation technique d’autre part, afin d’être prêt aujourd’hui à faire face aux défis de demain.» (VB)

DGNSI: un colossal travail d’équipement

Lorsque la question de l’exploitation des futures centrales s’est posée, il est apparu que la responsabilité globale du sous-projet informatique nécessitait une solide expertise en coordination et en gestion de projets, ainsi que la mobilisation de nombreuses compétences en matière de solutions informatiques, réseau, téléphonie et gestion des postes de travail.

C’est ainsi que dès 2021, la Direction générale du numérique et des systèmes d’information (DGNSI) s’est accordée avec les acteurs concernés et a pris la responsabilité et la gestion du sous-projet informatique. Elle a donc joué un rôle décisif et central pour la mise à disposition de technologies modernes et hautement sécurisées répondant aux exigences des métiers, à savoir «améliorer et coordonner la réponse à l’urgence dans toutes les situations».  

Équiper l’ARC a exigé un travail colossal : pose de plusieurs dizaines de kilomètres de fibre optique, équipement des datacenters, connexions réseau, configuration et préparation de plus de 100 postes de travail interchangeables et bénéficiant d’une technologie de pointe, lignes téléphoniques configurées spécifiquement pour chacune des centrales et redondantes en cas de panne, call center et adaptation, puis mutualisation des solutions d’aide à l’engagement.

«Une centaine de collaboratrices et collaborateurs, dont près de 60 provenant des entités de la DGNSI, ont été directement impliqués dans la mise en œuvre et le déploiement des solutions informatiques (réseau, serveurs et applications) et l’équipement des places de travail», confirme Alexandre Pouillot, chef de projet du programme ECAvenir, avant de préciser : «En étroite collaboration avec le Service de la sécurité civile et militaire, qui a œuvré comme responsable de projet métier, de très nombreux comités de pilotage ont été organisés, une vingtaine de fournisseurs sollicités et deux années ont été nécessaires pour mettre en place l’ensemble des infrastructures technologiques et les équipements.» Un travail rendu plus difficile encore durant cette période post-covid, marquée par de nombreux retards dans les livraisons de matériel.

Mais l’aventure ne fait que commencer : il s’agit aujourd’hui de maintenir le dispositif et de tenir sur la durée. C’est le nouveau défi qui attend la DGNSI ! (MHJ)