Deux personnes vêtues de couleur orange haute visibilité de la Direction générale de la mobilité et des routes travaillent dans un talus herbeux rempli de fleurs, au bord d'une route, un jour de beau temps.
Depuis 2019, l'Etat renforce la présence de la faune et de la flore locales le long des 1500 kilomètres de routes cantonales. Photo: DGMR | E. Egger
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Les talus des bords de route cultivent leur biodiversité

L’État de Vaud a décidé de redonner vie aux bandes vertes qui encadrent le réseau routier grâce à un nouveau mode d’entretien. Une mesure qui revalorise le travail des employées et employés cantonaux.

Depuis 2019, l'Etat renforce la présence de la faune et de la flore locales le long des 1500 kilomètres de routes cantonales. Photo: DGMR | E. Egger
3 minutes de lecturePublié le 10 mai 2023

De prime abord, ce ne sont que de vulgaires talus routiers sans grand intérêt. En réalité, les zones herbeuses situées le long des routes et des autoroutes vaudoises sont en train de se transformer en tapis – non pas rouges, mais verts – destinés à accueillir la biodiversité. Depuis 2019, le Département de la culture, des infrastructures et des ressources humaines (DCIRH) et le Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité (DJES), ont en effet décidé de renforcer la présence de la faune et de la flore locales le long des 1500 kilomètres de routes cantonales, dans le cadre du Plan d’action biodiversité Vaud 2019-2030. Comme le souligne le Forum Biodiversité suisse, des efforts accrus sont nécessaires pour enrayer la perte de biodiversité, non seulement dans le domaine de la protection de la nature, mais aussi dans tous les secteurs touchant de près ou de loin à l’utilisation des ressources naturelles et à l’occupation du territoire. «Les bords de routes cantonales peuvent offrir de belles occasions pour la conservation de la biodiversité et l’alimentation de l’infrastructure écologique vaudoise, explique le géomaticien Maxime Capt, à la Direction générale de la mobilité et des routes (DGMR). Une étude allemande montre qu’en seulement dix ans, la biomasse des insectes a diminué de deux tiers dans les prairies, un constat hélas identique en Suisse. De fait, chaque action qui permet de préserver ou promouvoir notre faune et flore locales compte.»

"Une étude allemande montre qu’en seulement dix ans, la biomasse des insectes a diminué de deux tiers dans les prairies, un constat hélas identique en Suisse."

Maxime CaptGéomaticien à la Direction générale de la mobilité et des routes
Une employée de la Direction générale de la mobilité et des routes vêtue d'une tenue orange de haute visibilité manoeuvre une machine de fauchage le long d'une route, en été.Le calendrier et les techniques de fauche ont été mieux adaptés à la flore et à la faune. Photo | ARC Sieber

Une revalorisation du travail

Ce changement concerne les zones herbeuses des quelque 550 hectares d’espaces verts à entretenir le long des routes cantonales, soit l’équivalent de 700 terrains de football, et implique des façons de procéder différentes, de nouvelles habitudes, l’acquisition d’un matériel adapté et une modification de l’organisation de travail (de la planification à l’activité sur le terrain). Ainsi, si le personnel qui s’occupe de l’entretien a toujours pour mission première d’assurer la sécurité des usagers de la route, notamment en fauchant fréquemment une bande le long de la chaussée, visant à dégager les balises et à garantir la visibilité, il a désormais aussi une responsabilité à l’égard de la biodiversité.

Produits phytosanitaires prohibés

Concrètement, qu’est-ce qui a changé? Les produits phytosanitaires ont été prohibés, le calendrier et les techniques de fauche ont été mieux adaptés à la flore et à la faune, alors qu’une lutte acharnée contre les plantes exotiques envahissantes et celles posant problème à l’agriculture est engagée. «Le travail est un peu plus contraignant pour l’organisme (dos, articulations…) et plus chronophage, car nous avons besoin de plus de main-d’œuvre et de matériel pour assurer un niveau de sécurité similaire à celui d’avant», constate Sylvain Jaggi, chef d’équipe à la DGMR. Des inconvénients mineurs, vite gommés par les bénéfices que cela induit. «Le travail est complètement différent, relate Yves Schopfer, adjoint du voyer. Auparavant, nous nous contentions d’un passage avec le broyeur, puis nous laissions l’herbe sur place. Dorénavant, il y a trois actions par passage (la fauche, le râtelage et l’exportation des déchets verts), comme ce que faisaient les anciens, mais avec du matériel plus performant et agréable. Même si le résultat n’est pas visible tout de suite, le travail est plus gratifiant et intéressant, puisque l’on participe à aider la nature. Notre but est de léguer un patrimoine biodiversifié aux prochaines générations, en l’occurrence des talus qui ont retrouvé leurs couleurs et de la vie. Une revalorisation du travail qu’évoque également Sylvain Jaggi: «Cela modifie notre approche et demande davantage de connaissances. L’obligation d’être en symbiose avec la nature éveille aussi notre intérêt. C’est notre manière à nous d’apporter notre pierre à l’édifice de la biodiversité, ce qui est très motivant. En plus, j’ai découvert de petits trésors naturels, comme des orchidées rares, des lézards peu courants, ou encore des prairies sèches ou des zones humides de grande valeur.»

Un changement qui commence à se voir

Pour assister le personnel d’entretien dans sa mission, l’État a mis de gros moyens à disposition: un guide de terrain, des séminaires théoriques et pratiques, ainsi que des suivis de biologistes. «Ces formations continues consolident les acquis en matière de travail et d’écoute de la nature que nous avons déjà, car mes collègues et moi-même sommes issus des métiers de la terre», note Sylvain Jaggi.

Un bilan peut-il déjà être tiré? «Nous manquons encore de recul, mais la modification des pratiques apporte localement des résultats déjà positifs et visibles, répond Maxime Capt, qui précise que des actions en faveur de la biodiversité se développent aussi dans les zones arborées et en milieu construit. Je pense notamment aux fauches alternées mises en place depuis quelques années dans la région de Genolier, où la plante hôte de l’azuré des coronilles, un papillon rare, est davantage présente.» L’objectif de ces démarches est bel et bien que les talus, zones importantes pour les migrations, reprennent des couleurs au fur et à mesure que la vie animale et végétale les recolonise. (FR)

Biodiversité et routes...

De la biodiversité sur les réseaux sociaux

Ce qui se voit sur le terrain ne reste pas toujours… sur le terrain! Les trouvailles en matière de faune et de flore des employées et employés d’entretien des routes cantonales (DGMR) et des autoroutes (SIERA Vaud) se retrouvent parfois sur Instagram. Leurs photos, dont le choix éditorial est validé par des biologistes, font en effet l’objet d’une campagne sur le compte de l’État de Vaud (@etat_de_vaud). «Cela permet de valoriser leur travail et de faire la promotion des nouvelles techniques mises en place pour favoriser la biodiversité, explique Leila Bouanani, qui gère la stratégie des comptes internet au Bureau d’information et de communication de l’État. De plus, c’est une thématique qui permet de susciter la curiosité et de découvrir la richesse de la biodiversité du canton à des endroits inattendus. C’est l’argiope frelon, une araignée totalement inoffensive, aux couleurs mêlant jaune, noir et blanc qui a suscité le plus de réactions.» La deuxième édition de cette série Instagram sera lancée en mai, tous les vendredis durant un mois. De quoi célébrer virtuellement le retour des beaux jours.

Un insecte long, aux ailes noires et tachetées de ronds oranges, est posé sur une fleur. On lit qu'il s'agit d'une zygène, photographiée à Genolier.Les trouvailles en matière de faune et de flore se retrouvent sur Instagram sous forme de séries estivales.

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