Denis Froidevaux debout à une tribune, en train de parler, avec des drapeaux. Il porte des lunettes de soleil réfléchissantes.
Denis Froidevaux, chef du Service de la sécurité civile et militaire, chef aussi de l’État-major cantonal de conduite, haut fonctionnaire depuis de longues années, a commencé sa carrière par un apprentissage. Photo | ARC-Sieber
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L’apprentissage, à la base d’une impressionnante carrière

Denis Froidevaux est l'une des figures emblématiques de l'administration vaudoise. On l'a vu sur tous les fronts lors de crises, dont celle du Covid. Une épidémie qu'il a vécue et gérée au quotidien en tant que chef de l'État-major cantonal de conduite (EMCC). Son riche parcours professionnel a pourtant débuté par un apprentissage de forestier-bûcheron. Avec son franc-parler, il revient sur cette période de sa vie et sur ce que l'ensemble de sa carrière lui doit.

Denis Froidevaux, chef du Service de la sécurité civile et militaire, chef aussi de l’État-major cantonal de conduite, haut fonctionnaire depuis de longues années, a commencé sa carrière par un apprentissage. Photo | ARC-Sieber
5 minutes de lecturePublié le 19 sept. 2024

D'emblée, Denis Froidevaux souhaite faire une mise au point: «Je n’ai aucune prétention d'être un exemple ou un modèle, loin de là. Dans toutes mes activités, qu'elles soient professionnelles, privées ou sportives, j'ai toujours privilégié le travail en équipe, ce qui nous permet d'avancer, d'obtenir ensemble des résultats positifs.» Mais à quelques mois d’une retraite qui ne sera pas inactive, l’actuel chef de l'État-major de conduite parle avec émotion de ses premiers pas dans la vie professionnelle; d'autant que rien ne prédestinait le jeune Denis Froidevaux à devenir le «pompier» de l'État de Vaud: «Adolescent, je ne rêvais que de liberté et de grand air. Élevé dans la nature, avec des valeurs proches de celle-ci, il m’était difficile de canaliser l'énergie, la fougue et l'envie que j'avais d'être constamment au contact des éléments. Autrement dit, je n’étais pas le meilleur client du système scolaire.»

Bûcheron, un métier extrêmement dangereux

Comme il a de peine à rester assis sur son banc d'école, il quitte le collège de Morges à la fin de sa scolarité obligatoire pour suivre un apprentissage de forestier-bûcheron. Un métier extrêmement pénible et dangereux, qui «demande une concentration de tous les instants. Tout comme il permet de développer des valeurs qui m'animent aujourd'hui encore au quotidien, telles que l'engagement, la solidarité, le don de soi, la rigueur et la discipline. Et puis, ce métier nous apprend l'humilité et l’honnêteté. Quand on est confronté aux réalités de la nature au quotidien, à sa rudesse, à ce monde fascinant qu'est la forêt, forcément cela nous ramène à une juste proportion, à ce que vous êtes ou n’êtes pas. Cette période d'apprentissage fut celle d'un grand bonheur: partagé entre la plaine et la montagne, j'étais dans mon élément naturel.»

Au terme de sa formation, un grave accident qui a failli lui coûter la vie le force à lever le pied sur les activités physiques et sportives. Grâce à l'une des nombreuses passerelles qui relient le monde professionnel à celui de la formation continue, il décide de suivre la formation de garde forestier dans une école technique supérieure (ETS), comme elle se nommait à l'époque. Pourtant, il exercera ce métier peu de temps. Vers 28 ans, il effectue un virage radical en acceptant une proposition de rejoindre les forces de l'ordre: «Paradoxalement, la police et moi, cela faisait deux, sourit Denis Froidevaux. Mais il est vrai que dans la vie, les aiguillages peuvent vous orienter vers de nouvelles directions, parfois même surprenantes. Il faut savoir se laisser faire, parfois.» 

«C'est un faux débat que de vouloir opposer les voies duale et académique. On ne peut pas se borner à cette vision dichotomique. C'est une grave erreur.»

Denis FroidevauxChef du Service de la sécurité civile et militaire, chef de l’État-major cantonal de conduite
Le jeune apprenti travaille un arbre abattu à l'aide d'une tronçonneuse. Il est coiffé de pamirs.Denis Froidevaux, apprenti forestier bûcheron, dans les années 1970. Un premier métier qui lui a permis de développer des valeurs qui l'animent toujours au quotidien.

«Un discours à combattre»

Ce premier changement de cap lui a forgé un avis tranché sur la question de l'apprentissage: «C'est un faux débat que de vouloir opposer les voies duale et académique. On ne peut pas se borner à cette vision dichotomique. C'est une grave erreur. Il y a 15 ou 20 ans, les passerelles qui permettaient de passer d'un monde à l'autre étaient, me semble-t-il, plus simples. Le système tenait compte des réalités de la vie, qui se résument rarement à une ligne droite entre deux points, mais plutôt à un slalom géant avec ses aléas.» Pour lui, on fait des choix, mais suivant les circonstances, il arrive qu'ils soient dépassés, il faut alors se repositionner, trouver une nouvelle articulation. «Et que dire du fait que l’on doive opérer, si jeune, des choix déterminants, censés engager pour une vie, dans un monde en perpétuel changement?»

De la même manière, Denis Froidevaux considère qu'il est faux de considérer la voie académique comme le seul ascenseur social possible ou valable. «C'est un type de discours qu'on doit combattre avec force. Il m'est arrivé de croiser le chemin de personnes qui me tenaient ce genre de théorie, parfois totalement monomaniaques sur le sujet, convaincues qu'il était impossible d'endosser des responsabilités sans un cursus universitaire. Cela m'avait choqué, car les personnes les plus inspirantes que j’ai pu rencontrer n’étaient pas forcément issues de la voie académique.»

«Une machine à laver, programmée sur essorage»

Ce genre de remarque (ou d'a priori) n'a visiblement pas eu raison de sa volonté d'aller de l'avant. Officier de police à Montreux durant plus de 10 ans, il en profite pour suivre des formations complémentaires, des cours académiques pour les officiers de police à l'Université de Lausanne, en gestion de risques et autres formations techniques. Dans les années 2000, il rejoint la Police cantonale en tant que chargé de missions spéciales: «Cela consistait à gérer les grands projets dont l'un fut un échec, puisqu'il s'agissait de la réforme policière.» À ce titre, il a également porté la création de l'Académie de police de Savatan, avant de la diriger.

En 2005, il quitte la police pour devenir chef du Service de la sécurité civile et militaire (SSCM) et chef de l’EMCC; laps de temps durant lequel il achève un master en administration publique. «Après quoi, je suis tombé dans une sorte de machine à laver, programmée sur essorage», s’amuse celui qui aime les images fortes et parlantes. En effet, le voici bombardé tour à tour chef du Service des automobiles et de la navigation, puis secrétaire général du Département de la sécurité et de l'environnement, avant de remplacer le chef du Service pénitentiaire (après le décès d’un détenu). Enfin, il reprend la conduite de la Fondation urgences-santé. Sans parler des projets stratégiques qu’il a conduits, comme ECAVENIR : «À chaque fois, des situations de crise institutionnelle, caractérisées par le désordre, l’urgence et la souffrance du personnel.»

Denis Froidevaux est assis à une table, en train de parler. Au premier plan, des personnes de la protection civile avec des chasubles orange.Devant la presse, Denis Froidevaux commente l'engagement de la Protection civile vaudoise en décembre 2020, en pleine crise du Covid. Photo | ARC-Sieber

La période Covid

C'est surtout dans sa fonction de chef de l’EMCC qu'il se fera connaître du grand public lors de l'épidémie de Covid: «Une épreuve extrêmement longue et difficile qui nous a marqués à vie, tant les décisions étaient difficiles, les enjeux forts; 12 à 14 heures par jour dans une tension permanente, pendant plus de trois ans, durant lesquels il a fallu faire preuve de résilience et de beaucoup d’agilité, mais aussi de rigueur.» 

Plutôt qu'un long fleuve tranquille, le parcours de Denis Froidevaux ressemble plus à un torrent de montagne. Comment l’apprécie-t-il aujourd’hui? «Quand on regarde en arrière, on se demande comment cela fut possible, si l’on sait d'où l’on vient. C'est une question à laquelle il m'est difficile de répondre. Mais j’ai eu de la chance de croiser des gens qui m’ont accordé leur confiance.» Il sait aussi qu'il doit beaucoup à l'armée, où il s'est hissé au grade de brigadier, le plus haut échelon de la hiérarchie militaire auquel peut accéder un soldat de milice. Au compteur, il enregistre quelque 2200 jours en gris vert, soit l'équivalent de six ans de sa vie.

«Je pousse les jeunes en apprentissage à faire preuve de courage. Oser remettre en question, se remettre en question. L'échec fait partie du jeu, on ne va pas toujours de l'avant. Parfois, on recule, c'est comme le jeu de l'oie.»

Denis Froidevaux

Encourager les jeunes à faire preuve de courage

Denis Froidevaux le dit clairement, l'armée lui a appris énormément de choses : elle lui a permis de structurer sa pensée, de produire un résultat dans le stress, de savoir conduire des équipes (« je sais, le terme est devenu désuet»). L'armée lui a aussi permis de prendre confiance en lui, lui a donné du courage: «Aussi, je pousse les jeunes qui suivent un apprentissage à faire preuve de courage tout au long de leur parcours professionnel. Cela veut dire oser remettre en question, mais aussi se remettre en question soi-même. Les jeunes doivent être conscients que l'échec fait partie de leur propre histoire, que la vie professionnelle n'est pas un long fleuve tranquille, que l’on ne va pas toujours de l'avant. Parfois, on recule, c'est comme le jeu de l'oie. Il faut faire preuve de beaucoup de résilience dans un parcours de vie.»

« Les apprentis, un enrichissement !»

Tout au long de sa carrière, Denis Froidevaux a formé des dizaines d'apprenties et d’apprentis. Aujourd'hui, environ 10% de son personnel est constitué de jeunes en formation. Et il s'en réjouit, même s'il est conscient que cela peut constituer une charge susceptible de pénaliser la capacité de production: «Il faut juste trouver le bon équilibre. Car nous avons une lourde responsabilité et il faut l'assumer. Si les personnes qui encadrent ces jeunes méritent le respect, elles ne doivent pas pour autant oublier que les apprentis ont besoin d’un peu d'espace, vivent les oscillations propres à leur âge. Il faut leur laisser le temps de monter à bord du bateau des adultes, ne pas précipiter les choses. Cela demande du temps et coûte de l'argent, mais c'est un enrichissement pour l'organisation. Je pense que l'État doit être exemplaire dans ce domaine.»

Il en est d'autant plus convaincu qu'en tant que gestionnaire rompu aux situations de crise, donc soucieux d’anticiper, il voit déjà poindre la pénurie de personnel: «C'est un enjeu crucial pour le futur des employeurs qui se doivent d’être attractifs. Aussi, il serait sage pour eux de développer une approche aussi large que possible, qui prenne notamment en compte les différentes filières de formation, en assurant une égalité de traitement entre ces filières. De mon point de vue, on en est bien loin.» (DA)

Découvrir son futur métier à l'État de Vaud

Pour sa 13e édition, le traditionnel Salon des métiers et de la formation ouvrira ses portes de mardi 1er à dimanche 6 octobre à Beaullieu-Lausanne. L'occasion rêvée pour toutes et tous les élèves des écoles vaudoises de découvrir leur avenir professionnel et le grand nombre de formations qui leur sont proposées. Près de 90 établissements de formation, des associations professionnelles et des entreprises de divers secteurs seront présents pour offrir un aperçu de plus de 250 métiers.

Parmi eux, l'État de Vaud disposera de deux espaces. À l'intérieur (halle 7, stand B040), il présentera sur 120 m2 une trentaine d'apprentissages possibles au sein de la fonction publique vaudoise, soit une large palette de métiers qui touchent aussi bien au domaine du numérique qu'à ceux de l’agriculture, de l’alimentation et de l’environnement. Les élèves pourront vivre l'expérience de la traite d’une vache ou tester la conduite des machines de fauchage sur l'espace de 150 m2 situé à l'extérieur. L’accueil sur le stand de l'État de Vaud sera quant à lui assuré par des apprentis de commerce provenant de différents services et directions. L'édition 2023 avait attiré quelque 50'000 visiteurs.

vd.ch/jobdereve

www.metiersformation.ch/fr/exposants

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