L'expert des poids et mesures, analysant la jauge étalon dans une station essence.
Expert au Bureau cantonal des poids et mesures, Yannick Gauthey est en pleine vérification de la jauge étalon dans une station essence. Photo | ARC Sieber
Métier

Les garants de la confiance

Yannick Gauthey est expert au Bureau cantonal des poids et mesures depuis plus de cinq ans. Une mission essentielle, qui assure la justesse de tous les instruments de mesure du canton et une fonction primordiale pour le commerce dans son ensemble. Plus généralement, les experts des poids et mesures garantissent que les transactions sont égales pour tous et en tout temps. Ainsi, la confiance dans l’économie du canton peut-elle se baser sur une transparence et une équité continue.

Expert au Bureau cantonal des poids et mesures, Yannick Gauthey est en pleine vérification de la jauge étalon dans une station essence. Photo | ARC Sieber
5 minutes de lecturePublié le 19 sept. 2024

Nous nous sommes peut-être déjà tous demandé, au moins une fois, si la balance de notre boucher indiquait réellement cent grammes de viande. Comment pouvons-nous être sûrs de la juste mesure de ces cent grammes? Y’a-t-il eu tromperie sur la marchandise? La balance peut-elle être défectueuse? C’est pour répondre à ces questions que, derrière les transactions commerciales, une profession veille discrètement, mais rigoureusement à la transparence : celle d’expert des poids et mesures en métrologie légale. «Les gens connaissent mal les poids et mesures. Nous ne sommes qu’une soixantaine en Suisse. Et la population ne sait pas forcément que nos contrôles sont aussi larges et diffus», lâche Yannick Gauthey. Et pourtant, dans le canton de Vaud, ces spécialistes jouent un rôle crucial pour garantir la justesse des instruments de mesure utilisés dans diverses transactions économiques. Ils maintiennent le bon déroulement commercial sur des bases égales et équitables pour tous.

Une profession de rigueur et de précision

Initialement formé comme automaticien chez Bobst, Yannick Gauthey a ensuite travaillé dans le secteur médical, notamment dans la stérilisation, l’équipement opératoire et l’instrumentation chirurgicale. Un parcours technique, mais sans lien avec la métrologie légale, avant son entrée à l’Office de la consommation, où il a obtenu son diplôme fédéral après avoir réussi l’examen de l’Institut fédéral de métrologie.

Yannick Gauthey nous éclaire sur les tenants et aboutissants de son métier. «Notre office est concerné dès lors qu’une transaction commerciale ou une constatation officielle de faits matériels implique des instruments de mesure», résume l’expert. Les contrôles se rapportent à tout type d’instrument, des balances basiques des magasins en passant par les stations d’essence et autres camions-citernes. Des quotas de viticulture aux quotas douaniers, en passant par les appareils de mesure antipollution dans les garages, toutes les constatations effectuées au sein d’instances utilisant des outils de mesure sont l’affaire du Bureau cantonal des poids et mesures.

Tout ceci est contrôlé et régi par le cadre législatif fédéral, qui a parfois un temps de retard sur les instruments arrivant sur le marché. Dès lors, le rôle de l’expert est également d’entretenir une collaboration la plus étroite possible avec les services métrologiques fédéraux.

L'expert des poids et mesures en pleine inspection d'une pompe à carburant.«Lors des contrôles d’hydrocarbures, on peut utiliser des jauges à deux litres comme des jauges à 20'000 litres.» Photo | ARC Sieber

Surprise ! Un contrôle inopiné

Qu’en est-il des surveillances à proprement parler lorsque l’on parle de métrologie légale? Pour commencer, les contrôles sont souvent inopinés pour garantir leur efficacité, bien que certaines situations exigent des annonces préalables. La législation fédérale détermine la fréquence des contrôles, généralement biennale pour la plupart des instruments. Par la suite, les experts cantonaux ratissent tout le territoire vaudois partagé en cinq secteurs d’actions, sous la responsabilité d’autant d’experts. L’action de ces experts est très diversifiée: «Nous pouvons intervenir autant dans les universités, chez les artisans, sur les marchés locaux, au milieu d’un alpage ou dans la mine de sel à Bex», énumère Yannick Gauthey.  Cela alors même que «l’activité économique change au fil du temps et notre métier doit s’adapter à ces transformations.» Au sein du bureau, la division des zones d’action en secteurs détermine les instruments à contrôler. Certaines zones sont donc de nature plus artisanale et d’autres sont plus industrielles. Cela aura un impact sur le type d’intervention à effectuer pour les experts.

Le métier d’expert des poids et mesures requiert donc une certaine adaptabilité aux différents contextes. Comme le résume laconiquement Yannick Gauthey: «Les balances sont partout, mais jamais aux mêmes endroits.» Comme on peut se l’imaginer, la mobilité n’est pas en reste dans ce métier. Les experts sont toujours en déplacement au sein de leur secteur pour analyser les différents instruments. «Nous ne sommes pas souvent au bureau, à part pour les rapports. Le gros de notre travail s’effectue à l’extérieur.»

Valise des étalons poids posée sur une table, en haut d'un alpage avec la vue sur Aigle et le Léman en fond.Mallette d'étalons poids pour les contrôles des balances. Photo | Yannick Gauthey BCPM

J’étalonne, tu étalonnes, nous étalonnons…

Que seraient ces contrôles sans les fameux étalons poids? Yannick Gauthey nous emmène dans le laboratoire de métrologie cantonal pour nous montrer les différents poids et instruments. Le Graal des métrologues apparaît là. Sur une table basse, disposés soigneusement dans une mallette, les différents étalons gris métallisés. Des poids qui doivent être constamment maniés avec précaution et hygiène pour ne jamais les biaiser. «Pour certains poids étalons, nous portons toujours des gants pour les manipuler, car le simple contact avec la peau peut altérer la tolérance du poids», remarque l’expert. Le laboratoire est côtoyé par la vitrine des poids datant des différentes époques, rappelant l’évolution de ce métier assidu.

Ainsi, les experts doivent-ils pouvoir étalonner des poids tant infimes que massifs, de quelques grammes à plusieurs milliers de kilos. La balance pour l’industrie chimique, par exemple, aura une précision chirurgicale, au centième de gramme près. À l’autre extrême, les balances ferroviaires peuvent supporter 150 tonnes. «Lors des contrôles d’hydrocarbures, on peut utiliser des jauges à deux litres comme des jauges à 20'000 litres pour les réapprovisionnements de wagons, par exemple», signale Yannick Gauthey.

L'expert des poids et mesures en plein contrôle d'une pompe à carburant. Observant le débit affiché sur la pompe.«Notre métier vise à défendre tant le producteur que le consommateur.» Photo | ARC Sieber

Dans la grande distribution

Le métier d’expert des poids et mesures ne s’exerce pas que chez les pompistes ou les entreprises utilisant des instruments de mesure. Les déclarations de quantité précisées sur les emballages de la grande distribution agroalimentaire sont également vérifiées. Notre tablette triangulaire de Toblerone, notre barquette de jambon ou notre paquet de pâtes se doivent d’être vérifiés dans leurs quantités déclarées. Ces contrôles ne sont pas annoncés. Une myriade de marchandises emballées doit donc être vérifiée. Ceci permet une égalité de traitement dans les transactions commerciales. «Notre métier vise à défendre tant le producteur que le consommateur. Nous faisons corriger la balance d’un producteur, s’il lui arrive d’être trop généreux ou trop avare sur les quantités vendues.»

Répercussions d’une non-conformité

En cas d’infraction ou de non-conformité aux législations en vigueur, les experts des poids et mesures disposent d’un appareil législatif qui leur permettent de faire remettre en ordre, d’obliger à changer ou même de faire détruire des instruments illégaux.

Lors d’une infraction aux législations, soit la personne transgresse sciemment les règles ou oublie de tarer des emballages comme le papier protecteur pour le pain ou la viande, soit une défaillance technique a échappé au producteur qui ne s’est rendu compte de rien. «Mais les infractions sont très rares sur les instruments et sur les quantités dans les emballages. De l’ordre de 10 à 15% suivant les années. Les personnes que l’on rappelle à l’ordre comprennent très vite et se remettent en conformité. Pour vous donner un exemple: le boucher qui oublie de tarer le papier, lorsque vous achetez un produit à 120 francs le kilo voire plus, ce papier commence vite à coûter cher au consommateur. Généralement, les personnes comprennent et changent leurs habitudes après notre passage», relève Yannick Gauthey. Pour ainsi dire, en plus de cinq années passées au bureau des poids et mesures, l’expert n’a eu qu’un seul cas de dénonciation pénale pour non-conformité répétée.

Un métier essentiel au fonctionnement de l’économie

Grâce au travail de ces experts, l’économie cantonale, dans son intégralité, peut ainsi prospérer dans un cadre adéquat. «Notre travail permet de se baser sur un instrument dont le résultat est incontestable. S’il n’y avait pas de contrôles, personne ne pourrait se fier sur des mesures établies. On se retrouverait dans une jungle où l’on achète les yeux bandés. Notre mission est de garantir des valeurs régulées et en permanence vérifiées», résume l’expert. (LZ)

Les instruments

Quelques chiffres

En 2023, le Bureau cantonal des poids et mesures comptait 3627 entreprises sous surveillance, réparties dans les cinq secteurs de contrôle. 2366 entreprises ont été contrôlées pour un total de 6640 instruments vérifiés sur l’année. Les contrôles ne se faisant pas chaque année pour tous les instruments, le total atteignait 11'567 instruments sous surveillance. Pour ce qui est des contestations, 900 instruments ont été remis à niveau, signalés ou remplacés. Pour le canton de Vaud, cela représente environ 15% du total des instruments.

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