
Lucens: une brève histoire du nucléaire vaudois
Le 21 janvier 1969, un incident dans l’ancienne centrale nucléaire de Lucens, construite dans une caverne souterraine du village broyard, met un terme à l’aventure d’un nucléaire conçu en Helvétie. Au-delà de l’épisode technique, aujourd’hui relativement peu présent dans la mémoire collective, les Archives cantonales vaudoises (ACV) publient les Récits autour de «la nucléaire» de Lucens, un recueil qui rassemble les témoignages de personnes ayant un lien avec ce lieu.
Le projet de recueil a pris forme à la suite de la réception aux ACV de deux cartons d’archives remis début 2024 par l’intendant du Dépôt et abri des biens culturels (DABC), situé dans l’ancienne centrale nucléaire expérimentale de Lucens. Ces archives étaient en vrac et particulièrement sales: trouvées à la déchetterie par un habitant, confiées en 2021 à l’intendant du DABC, elles étaient restées dans un couloir jusqu’à ce que ce dernier les remette, début 2024, aux Archives cantonales, avant son départ à la retraite.
Il n’a pas été possible de déterminer qui avait constitué ces archives, mais il s’agissait vraisemblablement d’une personne de Lucens, qui avait été membre de différents groupements de citoyens qui se mobilisèrent vers 1977-1978 contre l’enfouissement des déchets nucléaires, après l’accident de 1969.
«En évoquant ce fonds autour de moi après l’avoir réceptionné, j’ai réalisé que plusieurs personnes avaient des souvenirs intéressants à raconter au sujet de Lucens. D’autres, en revanche, n’en avaient jamais entendu parler, ce qui m’étonnait, vu l’importance de l’événement. C’est ce qui m’a donné envie de récolter des souvenirs à ce sujet», raconte Delphine Friedmann, directrice des ACV.
Vue aérienne de la centrale de Lucens. | Photo : Comet Photo AG (Zürich) ETH Library Zurich, Image Archive / Com_F69-14713 Ce fonds constitue donc le point de départ du projet de recueil de récits, permettant de relier faits historiques et témoignages des acteurs et habitants de la région. L’accident de Lucens a marqué la fin de l’aventure d’un nucléaire conçu par l’ingénierie suisse. Il a bien sûr fait l’objet de rapports et études scientifiques sur les causes de l’accident. Avec ce projet toutefois, les ACV ont choisi d’aborder cet événement, y compris ce qui y a mené et ce qui en a résulté, non pas sous un angle scientifique, mais social, voire sociétal. Ce recueil permet de se faire une idée du contexte dans lequel cette histoire s’est déroulée, du point de vue d’habitants de la région.
Les entretiens ont été menés par Emmanuelle Ryser (auteure et praticienne en récits de vie), sous la conduite de Delphine Friedmann et d’Anne-Lise Veya (archiviste en charge des fonds privés). La mise en page est l’œuvre de Sylvie Delafontaine Bongard (graphiste au sein de l’atelier Le jardin des lettres).
«Ce qui nous importait n’était pas de proposer un dossier technique, mais de comprendre comment l’accident avait été vécu : ce que les gens ont vu, ressenti, retenu, comment ils se sont sentis», explique Delphine Friedmann.
La récolte de récits auprès d’ingénieurs, de physiciens, journalistes, habitantes et habitants, engagés ou non en politique s’est faite après un appel porté par un communiqué de presse, bien relayé par les médias régionaux. Les récits composent un corpus à multiple facettes. Le recueil donne à entendre la curiosité d’une époque fascinée par le progrès technologique et, en particulier, par le nucléaire, la fierté d’abriter un site expérimental, mais aussi le désintérêt, puis les doutes, les frayeurs et les réticences que l’accident a suscités.
En croisant les voix des témoins des diverses perceptions d’une même réalité, l’ouvrage montre comment un tel événement se transforme avec le temps, en objet de mémoire publique. Cette initiative rappelle que le rôle des Archives cantonales ne se réduit pas à la collecte et à la conservation de documents écrits officiels ou privés. «Nous sommes les gardiens de la mémoire vaudoise, estime Delphine Friedmann, mais nous sommes aussi là pour qu’elle vive, qu’elle soit connue, questionnée, débattue.» (DE)
D'accès sécurisé, les anciennes halles de la centrale nucléaire de Lucens renferment aujourd'hui les biens patrimoniaux de l’État (ici le dépôt de l'Archéologie cantonale). | Photo: BIC (FA)Le site, aujourd'hui
En juin 2022, la Gazette nous emmenait à l'intérieur de l'ancienne centrale nucléaire de Lucens, à la découverte du dépôt et abri des biens culturels de l’État de Vaud. Un véritable dédale souterrain qui renferme des milliers d'objets.
Pour commander l'ouvrage
La version numérique de la publication "Récits autour de la nucléaire de Lucens" peut être consultée et téléchargée grâce au lien suivant: "Récits autour de la nucléaire de Lucens"
L'édition imprimée peut être acquise auprès des Archives cantonales vaudoises:
- sur place à l'accueil (prix 20 Fr. en espèces)
- par envoi postal, en versant 22 Fr. sur le compte des ACV:
CCP 10-19168-6
IBAN: CH19 0900 0000 1001 9168 6
BIC: POFICHBEXXX
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Couverture du livre publié par les Archives cantonales vaudoises.40 ans à La Mouline
Installées sur le site de la Mouline à Chavannes-près-Renens depuis 1985, les Archives cantonales vaudoises marquent cette année 40 ans de présence près du campus de l’Université de Lausanne. Lieu de conservation, de traitement et de mise à disposition du patrimoine vaudois, La Mouline demeure un point d’ancrage essentiel pour la mémoire du canton.
Pose de la première pierre du bâtiment de la Mouline, le 8 novembre 1982, par l'ancien archiviste cantonal Olivier Dessemontet (1963-1979) et son successeur, Jean-Pierre Chapuisat (1979-1995). | Photo: Griesel









