Gérer son temps au travail : tout un art (qui s’enseigne)
Avant le bon temps des vacances, la direction Qualité de vie au travail (DGRH) se penche sur un sujet de notre époque : la gestion du temps au travail. Comment s’appréhende-t-elle? À quel point peut-elle améliorer notre vie au quotidien ? Petit aperçu en compagnie de Stéphane Lattion, formateur en efficacité et organisation, qui fait de la gestion de notre temps son cheval de bataille.
Coach en gestion du temps? S’il n’aime pas les étiquettes, Stéphane Lattion reconnaît qu’il s’est bâti un métier sur mesure, en constant mouvement (lire ci-dessous). «Le monde change de plus en plus vite. On attend du professionnel qu’il sache s’adapter, se réinventer, évoluer, faire preuve d’agilité et conserver sa valeur ajoutée dans l’entreprise. Faire toujours plus avec toujours moins!» analyse le professionnel. Mais qu’y faire? Est-il magicien? En tout cas, pour lui, il n’est pas sorcier de comprendre où le bât blesse: «Au dernier séminaire en ligne consacré à la gestion du flux d’e-mails que j’animais pour le CEP (Centre d’éducation permanente), 230 personnes se sont connectées… Un vrai problème, non? La qualité de vie au travail, c’est donner des outils et des astuces aux collaboratrices et aux collaborateurs pour mieux gérer leur charge de travail et le stress qui en découle.» Comme il l’explique, le Covid a encore accentué le phénomène en multipliant les canaux de communication (mails, messageries instantanées, système de vidéoconférences…) et nous serions de moins en moins en mesure de prendre du recul face à cette surconnexion.
Le « temps de cerveau humain disponible »
Cette (sur)charge permanente de travail conduit à des agendas qui semblent détester le vide, ce que Stéphane Lattion a baptisé pour rire «acrophobie professionnelle».À ses yeux, la première chose à faire est donc de filtrer. Savoir comment dire «non», pouvoir préserver du temps disponible. «Ce n’est pas parce qu’on a des plages de vide dans son agenda qu’on est inefficace, bien au contraire! Il faut du vide pour saisir les opportunités, voir plus loin, faire preuve de créativité. Quant au repos, il est nécessaire.» La sieste express qui permet de recharger les batteries? Stéphane Lattion et son chat en sont des pratiquants convaincus.
Autre piste? «Bien démarrer ses journées de travail en avalant le plus dégoûtant des crapauds!», poursuit le pittoresque coach. Le «crapaud»? C’est la tâche du jour la plus repoussante: l’accomplir dès son arrivée vous motive pour la suite; la procrastiner, au contraire, vous coûte une énergie folle que vous ne pourrez pas investir dans d’autres tâches. «C’est comme un petit deal permanent avec soi-même dans un coin de notre tête, et ça, c’est épuisant.» Y aurait-il un temps pour tout? C’est une vraie piste à explorer.
Améliorer la vie au travail : un vrai métier
Stéphane Lattion ne perd pas de temps. Quand on l’interroge sur sa vocation, c’est une réponse sans temps mort ni langue de bois : «J’ai perdu mon papa quand j’avais 18 ans. Il est mort d’une rupture d’anévrisme, à cause du stress. Moi, je ne veux pas que cela m’arrive, je veux que mes enfants profitent de leur papa le plus longtemps possible. C’est pour ça que j’ai décidé de faire de ma qualité de vie une priorité, puis un métier où l’on peut améliorer le quotidien et la qualité de vie de ses clients.» Après un master en psychologie clinique puis un master en technologies éducatives, Stéphane Lattion a engrangé les expériences professionnelles en gestion de projets. Parmi elles, chez Nestlé, un poste en «knowledge management» pendant cinq ans, puis trois ans en tant que responsable de l’amélioration continue d’un laboratoire. Là, il agit comme interface entre divers métiers de l’entreprise, à l’aide notamment de la méthode «lean» qui organise le travail de la façon la plus directe, réduit le gaspillage et maximise la valeur pour le client. «Droit au but», comme il le résume. «Comment faire mieux? Mon ADN à moi, c’est l’amélioration continue». Facilitateur, véritable «boîte à outils», comme il aime à se définir, il manque pourtant quelque chose à Stéphane à la fin de ses années au sein d’une firme internationale. Le facteur humain. «J’ai eu le déclic en assistant à une formation sur la gestion du temps lors d’un congrès de la Société suisse de management et de projet». Grâce à l’exposé de l’intervenant, à mi-chemin entre la leçon de vie et le one man show, Stéphane Lattion mesure alors l’importance grandissante de cette problématique: «Tout le monde a des problèmes de temps, et c’est de pis en pis, explique le quadragénaire au sourire franc et au regard déterminé.» Il finit par se jeter à l’eau en 2019 et devient formateur d’adulte et coach indépendant avec un seul mantra: nous aider à «supprimer les actions inutiles et les pertes de temps de notre quotidien.» Il acquiert alors les droits d’une franchise pour proposer le PEP® (Programme d’efficacité personnalisé) dans toute la Suisse, puis développe une variété de formations sur mesure et de cours-catalogues qu’il dispense notamment au sein du CEP vaudois, de Héviva, (l’association professionnelle vaudoise des institutions médico-psychosociales), et également sur mandat direct des entreprises. «C’est un sujet tellement transverse que mes clients viennent autant de start-up que de multinationales, d’administrations que de l’industrie, de la police à l’église catholique», égrène-t-il avec un grand sourire. (EB)
Quatre grandes règles pour mieux maîtriser son temps au travail
et sélection de quelques trucs et astuces, soufflés par Stéphane Lattion
Filtrer
«Décider ce que l’on ne doit plus faire est aussi important que de décider quoi faire»: cette citation de Steve Jobs devrait guider nos pas. Si l’on se retrouve à faire quelque chose uniquement «parce qu’on a toujours fait ainsi» ou pour passer le temps, c’est que ça coince. Astuces : identifier l’utilité de la tâche (en échangeant également régulièrement avec son ou sa supérieure), être honnête avec soi-même, savoir dire non, revoir sa liste de tâches régulièrement (et filtrer tout ce qui y traîne depuis trop longtemps…)
Clarifier
Bien souvent, les projets ou les tâches que l’on nous transmet sont sujets à interprétation, ce qui entraîne un flou dans leur exécution. Il est souvent difficile d’avoir une vue d’ensemble, de savoir qui fait quoi et jusqu’où… Astuce : élaborer une structure de découpage de projet (SDP), même pour des tâches de moyenne ampleur. Cela permet de visualiser la hiérarchisation des actions. À la fin de l’exercice, grâce à un processus de subdivision des tâches, l’activité est clairement quantifiable, chiffrable, et attribuable à une personne.
Prioriser
Ici, il s’agit de distinguer l’urgent de l’important et d’agir en conséquence. Astuce : classer ses tâches dans une matrice d’Eisenhower – un tableau à double entrée qui permet de déterminer en un coup d’œil ce qu’il faut faire, planifier, déléguer ou abandonner.
Exécuter
Au moment de l’exécution d’une tâche, ce sont les interruptions (tellement nocives pour notre efficacité) qui sont le plus problématiques. Astuce : diminuer leur nombre au maximum par tous les moyens à disposition. Avoir sa porte fermée plutôt qu’ouverte, dévier son téléphone, porter un casque antibruit (symbole très visuel de notre concentration), réserver une salle pour s’isoler, ne consulter ses courriels qu’à certaines heures…